Les Folies Bergère

Nous sommes en pleine première guerre mondiale, dans les tranchées. Les soldats se terrent, dans la boue, la crasse et la peur. S’il lèvent la tête un peu trop haut il y a le "karabinermeister" qui veille et qui tire avec une très grande précision. Alors les hommes ont monté dans un coin leur "Folie Bergère" un petit coin à eux ou ils aiment parfois se réfugier pour penser à l’après, quand ça sera fini…
Cependant, dans un coin, croupit le soldat Rubinstein, appelé "roubignoles". Il doit être exécuté après avoir agressé son sergent. Mais bizarrement, malgré les balles, il n’arrive pas à mourir, comme s’il attendait quelques chose avant de se décider à partir !!!
Et dans un coin de village, loin de là, le peintre Monet laisse glisser ses pinceaux sur ses toiles tandis que le jeune Gabriel vient l’importuner… "Pourquoi ne peindez-vous pas des grenouilles ?", la question reste en suspens…

Par fredgri, le 20 septembre 2012

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Notre avis sur Les Folies Bergère

Dès la couverture on sait que la mort va envahir chacune de ces pages, qu’elle va se glisser derrière les pauvres rires qui font écho dans les tranchées, derrière les regards qui tentent de passer par dessus les remblais… Derrière ces fausses assurances… Ces hommes sont de la chair à canon, rien de plus, néanmoins ça n’est pas une raison pour se déshumaniser, alors ils s’entraident, se réconfortent, créent un cadre, un chez eux, le reflet d’un monde lointain, qui doit rester bien vivant en eux.

Et malgré la chape de plomb qui pèse sur tout l’album, malgré l’issue qu’on devine sans espoir, Zidrou arrive à distiller déci delà des notes plus légères, sans pour autant trahir l’ambiance, ni les personnages. Alors bien sur le ton est globalement très grave et désillusionné, mais on y parle beaucoup d’amitié, de complicité et d’amour, les uns écrivent à leurs femmes enceintes, les autres envoient des carnets de croquis à leur jeune frère. On établit des passerelles, on garde les liens bien serrés et on essaye de traverser cette tourmente coude à coude. Zidrou n’adopte pas ici une écriture très complexe, il garde ce style très épuré, direct et très subtil à la fois qu’on lui connait.
Évidemment, c’est compliqué ensuite de se lancer dans ce genre de récit sans ressortir les petites caricatures de poilus, mais je trouve que le scénariste ne s’appesantit pas non plus dans ces schémas. Il reste concentré sur ses caractérisations, sur les liens qui se nouent, tout en gardant en tête cette atmosphère très particulière qui régnait pendant que les hommes tentaient de maintenir leur monde en marche, en sachant que d’un moment à l’autre ils pouvaient se faire canarder, voir même tuer !

On est donc bien dans un récit de guerre, un hommage à ces troufions anonymes dont les corps se sont malheureusement amassés dans la boue pendant que les généraux contemplaient le spectacle derrière leur binocle… Mais, et c’est intéressant, Zidrou ne se lance pas franchement dans un récit dénonciateur ni polémique, il focalise sur les hommes, sur leur vie. C’est très fin ! D’autant qu’il équilibre régulièrement son récit de petits passages hors champs de bataille, que ce soit pour présenter une jeune épouse qui attend son mari, le garçon qui montre fièrement les carnets que lui envoie son frère ou encore le vieux peintre qui, loin de tout ça, tente mine de rien de révolutionner la peinture, calmement, tout en s’attachant à ce gamin qui vient lui poser des questions !

Sincèrement, je n’ai pas tenté de trop m’expliquer les différents parallèles, je me suis laissé prendre au jeu du récit. De plus, il faut aussi dire que les dessins de Porcel sont magnifiques, plein de matières et incroyablement vivants. Chaque planche est d’une grande beauté ! Et c’est cette alchimie qui m’a entraîné, qui m’a pris par la main pour m’amener auprès de ces infortunés bidasses.

Un très très bel album, qui pourrait certes plomber un peu votre soirée, mais qui mérite toute votre attention !

Par FredGri, le 20 septembre 2012

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