Les notes rouges

Anna Kowalski est devenue une pianiste mondialement reconnue. En 1957, elle retourne, à l’occasion d’un concert, sur sa terre natale polonaise. La jeune femme espère toujours retrouver son frère dont elle a été séparée durant la deuxième guerre mondiale. Un traumatisme qui continue à la hanter…

 

Par v-degache, le 21 octobre 2024

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Notre avis sur Les notes rouges

Nadia Nakhlé et son univers poétique et onirique reviennent dans Les notes rouges, dont l’histoire prend place en Pologne, durant la 2ème Guerre mondiale. On suit Anna, une pianiste concertiste revenir après-guerre dans la ville de son enfance pour donner un récital. Très vite on apprend que celle-ci espère retrouver la trace de son frère Dorian, dont elle s’est retrouvée séparée en fuyant les Nazis.

L’auteure de Zazar bizar (https://sceneario.com/bd/zaza-bizar/) se lance donc dans la BD historique avec le récit de ces deux gamins juifs qui se retrouvent au cœur de la politique génocidaire nazie, en Pologne. Si ce contexte est loin d’être secondaire, avec notamment le surprenant dernier tiers de l’ouvrage, centré sur Dorian, Nadia Nakhlé explore les thèmes qui lui sont chers.

L’enfance tout d’abord, qu’elle traite avec sensibilité mais aussi originalité, choisissant de faire d’une île le lieu secret de rencontre des deux jeunes juifs, auquel se rattachera Anna une fois le frère disparu. Un échange épistolaire à sens unique permet alors à celle-ci d’exprimer ses sentiments, ses doutes, sa culpabilité vis-à-vis de Dorian. Un procédé quasi similaire de « faux » journal intime avait déjà été utilisé sur Zaza bizar pour exprimer les difficultés du personnage principal.

La mémoire est aussi au cœur des Notes rouges. Mémoire du frère évaporé, auquel on se rattache avec des souvenirs liés aux lieux qu’on a fréquentés, aux personnes qu’on a côtoyées, quitte à faire cohabiter les deux temporalités (1941 et 1957) dans les mêmes cases. Ceci vient s’entrecroiser avec la mémoire d’un génocide juif qui a littéralement effacé l’existence de familles entières, de Babi Yar à Auschwitz. Personne ne sait ce qu’est devenu Dorian, aucune trace de son passage sur terre n’est désormais visible, hormis dans l’esprit de sa sœur et de quelques survivants. Son existence s’efface, tant et si bien que l’on finit par se demander, au cours de la lecture, s’il n’est pas une création mentale d’Anna. Et Nadia Nakhlé réussit ainsi, à travers une trajectoire individuelle, à évoquer l’ensemble des victimes de l’extermination de masse, aux noms et visages parfois définitivement tombés dans l’oubli.

Le tout est réalisé avec la sensibilité et la pudeur déjà entrevues dans les précédents ouvrages de l’auteure. Son dessin appuie sur le réalisme expressif des visages des personnages, mis en valeur par des arrière-plans réduits souvent au minimum. L’Enfant est au centre de l’œuvre de N. Nakhlé, et elle saisit ses sentiments et les traumatismes avec une rare finesse.

Si la place accordée à l’exposition de la situation initiale peut paraître un peu longue, elle permet aussi de poser solidement la psychologie des personnages, et, par la suite, de mieux apprécier ce lien qui les unit. Le rythme de la narration s’accélère ensuite, nous amenant sur des chemins par forcément attendus…

Si vous avez aimé Les oiseaux ne se retournent pas et Zaza bizar, vous prendrez probablement beaucoup de plaisir à parcourir Les notes rouges ! Quant aux autres lecteurs, c’est l’occasion idéale de découvrir l’univers de Nadia Nakhlé dans un ouvrage fort et touchant !

Par V. DEGACHE, le 21 octobre 2024

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