Les portugais

En août 1973, après un long périple dans le coffre d’une voiture, Mario, de souche portugaise fuyant la guerre en Angola, est lâché par son passeur à proximité d’un petit village de la frontière franco-espagnole. A peine a-t-il pu se désaltérer à la fontaine qu’il est pris à parti par deux personnes qui poursuivent un autre individu. Mario se met alors à suivre le fuyard. Ils atteignent ainsi la forêt et attendent qu’ils soient en sécurité. Mario fait donc la connaissance de Nel, également portugais un tantinet révolté par la mésaventure qu’il vient de vivre. Ensemble, ils décident de monter à Paris. Mais le chemin est long pour atteindre la Capitale. En grimpant secrètement dans une camionnette, ils sont découverts par le propriétaire qui les embauchent au domaine en tant que maçons. Ils font la connaissance de Zê qui les aide à s’intégrer pour travailler. Mais l’appel de Paris reste toujours aussi fort si bien que les trois compères décident de faire le voyage. Après avoir atteint leur destination, ils sont vite repérés par les représentants d’une entreprise de BTP. Tandis que Nel et Mario sont embauchés, Zê, handicapé, est rejeté. Commence leur nouvelle vie parisienne, une vie ouvrière rythmée par la construction d’un gros immeuble et par leurs pérégrinations au sein d’un bidonville.

Par phibes, le 20 février 2022

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Notre avis sur Les portugais

Pour sa première bande dessinée grand public, Olivier Afonso se saisit d’une thématique qui se rapporte à l’immigration portugaise qui s’est déroulée dans les années 60/70 à destination de la France. Initié par la dictature salazarienne et par ses engagements militaires dans les pays africains (Angola, Mozambique…), cet exode se voit traité via une odyssée que vont suivre deux portugais candidats à l’expatriation et leur intégration pour la moins précaire au sein d’un milieu particulièrement rude.

Ce one-shot se veut un beau témoignage. Sous le couvert des tribulations de Nel et de Mario, Olivier Afonso fait preuve d’une belle simplicité mais aussi d’une sensibilité qui a le privilège de rendre cette histoire bien attachante. Somme toute documentée par des encarts lâchés ci et là, cette équipée nous est livrée via un parcours tumultueux qui bien sûr s’inspire de faits réels. Avec en point de mire Paris, ville lumière, les deux personnages principaux nous font découvrir l’accueil donné à cette main d’œuvre en fuite, son exploitation par des entrepreneurs du bâtiment sans scrupule, les relogeant dans des bidonvilles au sein desquels les migrants se sont organisés solidairement en communauté.

Pour cela, Olivier Afonso s’est appliqué à jouer sur les caractères de ses « héros » afin de pimenter leur périple. Nel est d’un tempérament bouillant, fonceur, débrouillard tandis que Mario se veut plutôt réservé, plus réfléchi. Cette association bigarrée fait mouche et rend ces derniers plutôt complémentaires, dans des actions certes divergentes mais qui font avancer clairement leur tentative d’intégration au système. Jusqu’au final qu’Olivier Afonso a voulu jouer dans des dispositions plus personnelles qui assurément font leur petit effet.

Pour illustrer le parcours de Nel, de Mario et bien d’autres, Chico fait son show. A l’instar de son scénariste, fait une apparition sur les étalages qui se veut remarquée. S’appuyant sur un trait assez libéré qui semble s’inspirer de celui de Christophe Blain, l’artiste marque des points en dynamisant quelque peu son dessin, jouant sur le mouvement de ses personnages, sur leur gestuelle, leurs expressions. Il se permet également de travailler avec une certaine diversité visuelle très profitable, passant de la plus petite vignette à la pleine page, ou même en éludant les cadres rigides des cases.

Une bien belle évocation qui retranscrit avec beaucoup de subtilité la destinée douloureuse d’une génération d’immigrants portugais en quête d’un monde meilleur.

Par Phibes, le 20 février 2022

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