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L'histoire d'un vilain rat

Dans les rues de Londres, la jeune Helen tente de survivre en faisant la manche, avec pour seul véritable ami un rat qui l’accompagne partout. Elle n’aime pas le contact d’inconnu, n’a confiance en personne et, bien que parfois on tente de sincèrement l’aider, elle fuit toujours plus loin. Un jour, elle décide de monter vers le Nord de l’Angleterre pour davantage s’éloigner de sa famille et plus particulièrement de son père…

Par fredgri, le 1 février 2025

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Notre avis sur L’histoire d’un vilain rat

« L'histoire d'un vilain rat » est sortie initialement sous forme d’une mini-série, en 94, chez Dark Horse et traduite, une première fois, en 99 par Vertige Graphic. Les éditions Delirium, qui ont précédemment publié la série Grandville ainsi que Nemesis, continuent donc d’accompagner l’œuvre de Bryan Talbot en rééditant cette histoire, accompagnée d’un dossier final où Talbot revient sur les sources de son projet, sur ses intentions initiales, sur la nécessité de dénoncer. On peut aussi y lire une intervention du docteur Muriel Salmona qui analyse à la fois le récit, le parcours d’Helen et l’importance de la prise de conscience en ce qui concerne l’inceste…

Petit à petit, assez finement, sans jouer le jeu de la démonstration pesante, Bryan Talbot nous raconte alors le quotidien d’Helen, une ado qui décide, un jour, de fuir les gestes déplacés de son père, ses visites nocturnes du papa « aimant » qui ne voit finalement rien de mal dans cette violence intrusive qu’il impose à sa fille. L’idée n’est pas tant dans le fait de montrer que de ressentir la souffrance muette de la jeune fille qui tente de se retrouver, de comprendre sa véritable place dans cette histoire. Au gré des rencontres, elle apprend à nuancer sa vision du monde. Il y a certes des gens mauvais, nocifs, mais il y a aussi des personnes bien intentionnées, comme Ben le musicien qui l’accueille dans son squat, ou encore M. McGregor et sa femme.

Parce que « L’histoire d’un vilain rat », c’est aussi le récit d’une reconstruction, celle d’une victime qui se redéfinit lentement, qui voit dans la figure de ce rat un compagnon dont elle peut s’occuper, qui ne la juge pas, dans les livres de Beatrix Potter le reflet d’un monde imaginaire tout en beauté qui l’éloigne de la réalité dont elle aime reproduire les illustrations dans son cahier, d'autant qu'elle se reconnaît aussi dans le parcours personnel de l'écrivain.

L’écriture est toute en subtilité, elle suit Helen dans ses gestes, dans le regard qu’elle porte sur tout ce qui l’entoure, elle anime ses pensées, ses angoisses, ses doutes… Talbot ne décrit pas, pour autant, un monde fermé, il dénonce tout en montrant le besoin d’une aide bienveillante. Le propos est dur, sans compromis. On s’attache à cette jeune fille qui reprend ses marques, qui ne veut à la fois pas oublier, mais qui veut véritablement exister.

Un album qui a une place toute particulière dans le cœur de Bryan Talbot. On en ressort profondément ému, une fois la dernière page tournée, les images restent, tant dans la beauté graphique de l’ensemble que par ce qui en émane, parfois.

Une bouleversante redécouverte que je vous encourage vivement à surveiller de très près.

Par FredGri, le 01 février 2025

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