Libre de choisir

 
Mai 68 et le cortège des changements que cette révolution a engendrés sont juste passés : la vie promet donc un goût nouveau aux jeunes en âge de la croquer ! Isa et Anna sont deux amies, deux filles justement en âge d’avoir leurs premières relations sexuelles. Si la première fait montre d’une certaine gourmandise en la matière en n’hésitant pas devant les occasions qui se présentent à elle, la seconde est plutôt du genre à vouloir attendre de tomber sur "le bon" pour s’offrir à lui.

Et ce bon, ça aurait pu être Julien avec qui Anna flirte gentiment depuis peu, depuis qu’elle l’a rencontrée dans une supérette où comme lui, elle avait un petit job. Mais un jour, alors qu’ils étaient seuls dans la voiture de Julien, celui-ci n’a pas entendu les supplications d’Anna de ne pas "aller plus loin"… Pour la jeune femme, tout s’est alors écroulé. D’autant plus que quelque temps plus tard, elle a appris qu’elle était tombée enceinte…
 

Par sylvestre, le 16 octobre 2011

Notre avis sur Libre de choisir

 
En mai 68, la liberté a gagné du terrain mais les slogans peace and love n’ont pas pour autant tout réglé : oui, la libération sexuelle fut en ce temps-là une indéniable bouffée de renouveau pour notre société, mais elle a aussi entraîné des débordements. A se croire permis de tout faire, certains sont en effet allés trop loin. Oh, pas forcément consciemment, ni forcément avec l’intention de faire du mal, mais ils se sont laissés emporter par ce torrent de changements qui prévalait : ils n’étaient pas blâmables : c’était juste à la mode, c’est l’époque qui voulait ça…

Combien de vies ont été bouleversées à cause de ce vent d’insouciance, à cette période ? C’est un peu ce qui arrive dans cette bande dessinée à Anna : une douche froide… Anna qui se fait la représentante de beaucoup de femmes. Elle qui avait reçue une certaine éducation et qui attendait son prince charmant va payer un prix élevé, désemparée après que, sexuellement, elle n’ait été violée par son petit ami. Traumatisme, perte de confiance, renfermement ; et puis grossesse, par-dessus le marché, et avortement (discrètement suggéré par le panneau guidant vers Amsterdam)… Avortement, qui sonne à l’époque comme crime et honte (on est avant la pilule et avant la loi Veil de 1975).

Libre de choisir… Ce titre est large de sens. Il comprend évidemment des choix évidents comme le choix de l’autre par quelqu’un qui en est amoureux ou amoureuse. Mais il y a aussi ceux moins évidents : l’entente mutuelle et réfléchie dans le couple à propos du bon moment pour passer aux choses sérieuses… Car lorsque le pas est franchi dans les conditions qu’a connues Anna, les choix d’après sont encore moins faciles à faire : quid du regard des autres ? Quid des conséquences sur sa vie sociale ? Et quid de la responsabilité lorsqu’un enfant qui n’a pas demandé à venir arrive ? D’où l’ultime choix difficile: celui qui a trait à l’IVG… Techniquement, et socialement, personnellement…

C’est un peu tout cela qui transparaît dans Libre de choisir. Le sexe n’y est pas que loisir et ingrédient amoureux : élément de bonheur, il montre pouvoir devenir brutalement la bête noire de celui ou de celle qui le subit.

En cela, cette bande dessinée est nécessaire puisqu’elle permet d’amener les lectrices et les lecteurs à la réflexion sur ces thèmes. Le seul reproche qu’on pourra lui faire (mais on comprend que les auteurs aient voulu placer leur récit au début des seventies), c’est justement que l’histoire se passe il y a quarante ans. Et en cela, les jeunes lectrices et lecteurs d’aujourd’hui pourraient ne pas se reconnaître ou ne pas être autant sensibilisés qu’ils l’auraient été si le contexte avait été plus proche du leur. Côté graphique et dans l’esprit, Libre de choisir est proche des Tendre banlieue de Tito. Pas forcément une référence non plus pour les jeunes lecteurs du vingt et unième siècle, même si…

Quoi qu’il en soit, que le petit côté vieillot gêne ou pas, cela n’empêche heureusement pas de "prendre" dans cette BD ce qui est nécessaire ; et son contexte quelque peu suranné permet sûrement de mettre mieux en relief les véritables messages en laissant de côté tous les artifices. La préface de Gisèle Halimi et le partenariat avec www.choisirlacausedesfemmes.org sont là pour faire le lien entre l’époque du récit et aujourd’hui – où l’IVG, même s’il est moins tabou, reste encore une épreuve terrible pour de nombreuses femmes.

Pour grands ados et jeunes adultes. Pour leurs parents, aussi.
 
 

Par Sylvestre, le 16 octobre 2011

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