Live memorium

Quelque part dans un futur plus ou moins proche, Tomasu travaille comme comptable dans une entreprise qui vient de concevoir une nouvelle génération de poupées de compagnie. Le projet n’est encore pas tout à fait au point, d’autant que son patron s’est fortement endetté dans la foulée. Ce dernier demande alors au jeune homme de fausser les comptes, quitte ensuite à tout lui mettre sur le dos. Tomasu a du mal à supporter la charge mentale qui ne cesse de grossir au fur et à mesure que son patron subit lui aussi des pressions. Il entend alors parler, par son ami Usagi, du Live Memorium, une nouvelle technologie qui permet à ses usagés de revenir en arrière et de revivre un de leurs souvenirs, d’interagir avec lui, quitte à le modifier virtuellement. Tomasu finit par se laisser tenter, mais au fil des séances, sa personnalité évolue, plus sûr de lui, il devient aussi plus agressif…

Par fredgri, le 6 juin 2024

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Notre avis sur Live memorium

Comment interviendrait-on si l’on pouvait changer des évènements dans notre enfance ? réagir devant cette petite frappe qui faisait sa loi, inviter enfin la copine qui nous plaisait… Et si c’était dorénavant possible, grâce à une technologie basée sur du virtuel et des liens psychiques !

A travers cet album de Miki Makasu et Benoit Bourget, nous faisons un saut dans le futur, en une période hautement technologique, sans être pour autant trop éloignée de la nôtre. Après tout, les thèmes abordés sont plus que jamais proches de notre quotidien, qu’il s’agisse des moyens pour palier le grand fléau moderne qu’est la solitude (avec l’usage de poupées très réalistes, comme on en voit déjà arriver au Japon, notamment) ou encore ce fantasme ultime qui est la réécriture de notre passé. Certes, on passe par l’usage de « gadgets » modernes, mais les sujets restent plus que jamais universels dans ce qu’ils révèlent sur nos sociétés qui se nombrilisent, qui se replient sur elles.
Pris dans un engrenage qui lui échappe rapidement, le héros, Tomasu, prend conscience que son enfance est pleine de ces petits moments qui ont directement impacté sa vie d’adulte. Qu’il s’agisse de cette fille à qui il n’est jamais parvenu à déclarer sa flamme, de ces garçons qui passaient leur temps à l’embêter ou l’accident qui a défiguré son ami Usaji, tout a plus ou moins participé à lui construire une personnalité fade, qui n’ose pas, qui se laisse marcher dessus sans broncher. Ainsi, en intervenant, même virtuellement, même sans que cela n’interagisse avec la réalité, sur ces différentes étapes de sa jeunesse, Tomasu décoince des blocages sans se rendre compte tout de suite qu’il réécrit aussi sa propre personnalité, sans prendre conscience non plus qu’il redéfinit implicitement son propre rapport aux autres, s’éloignant aussi de ce que ceux qui l’aiment apprécient en lui.

Le scénario est vraiment habile dans ce travail sur Tomasu, on regrette peut-être que cette idée de poupées artificielles ne soient pas davantage développée. Toujours est-il que le récit fait réfléchir sur notre lien avec notre passé, avec celui que nous étions enfant. De plus, Miki Makasu nourrit un propos certes complexe, mais toujours avec la volonté qu’il reste clair et limpide.

Graphiquement, Benoit Bourget s’inscrit dans l’héritage d’un Katsuhiro Otomo, bien que son trait évolue au fil du volume pour progressivement s’éloigner du maître spirituel. Mais la performance est impressionnante tout du long, avec un soin tout particulier donné aux expressions et aux détails dans les décors et les diverses machines. C’est vraiment incroyable. On est captivé à la fois par le rythme des cadrages, ce dynamisme qui rend chaque scène particulièrement vivante, et par le naturel qui se dégage de la moindre case.
Si vous ne connaissez pas le travail de ce jeune artiste, je vous conseille de vous y pencher plus attentivement.

Un one-shot de qualité et d’une grande pertinence.

Par FredGri, le 6 juin 2024

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