Looping

 
Cette vingtième bande dessinée du catalogue de la collection BN² des éditions Jarjille est remarquable sur bien des points. Le premier, celui qui saute d’abord aux yeux, c’est le dessin de son auteur Ivan Brun (No comment, War songs) : un dessin en noir et blanc qui est précis comme peuvent l’être de minutieuses gravures en taille-douce et qui morcelle neuf des onze planches de l’ouvrage à la manière d’un gaufrier, comme on dit dans le jargon.

A en être à parler de la conception et de la présentation, on applaudira ensuite la cohérence du dessin de la couverture avec le propos du livre. En effet, après avoir pris connaissance du sujet et de son traitement, le lecteur appréciera d’autant plus toute la symbolique de ce visuel en couleur de la couverture et de ses détails. Et pour tirer sur la ficelle, on pourra même se risquer à faire un parallèle "sensuel" entre le fait que l’Europe rend sur ce dessin le gamin aveugle avant une BD, elle, muette !

Il y a ensuite le judicieux choix du titre. "Boomerang" aurait-il pu convenir ? Assurément moins que celui qui a été retenu. Car sans tout dévoiler, il est question dans Looping d’un aller-retour (ou comme qui dirait d’un retour à la case départ) ; et ce titre est donc plus évocateur qu’un autre dès lors que l’on sait que d’avion également il est question… Avion, looping : le tour est joué.

Et enfin, il y a le thème. Ou les thèmes. Dramatiques, les uns comme les autres : la pauvreté, la drogue, le rêve d’un eldorado à tout prix, la souffrance ou encore la vie sans papier en Europe… En quelques pages, en quelques vignettes (dont une ressemble à s’y méprendre à La grande vague de Kanagawa de Hokusai), c’est un terrible et long périple qui nous est relaté, vécu sous nos yeux par cet Icare africain qu’est le jeune héros de Looping… Un périple d’autant plus terrible qu’au-delà de toute fiction, il renvoie à une triste réalité : celle de ces nombreux malheureux que les journaux télévisés nous montrent parfois ; risquant leur vie pour poser le pied en Europe. Et terrible enfin parce que tout ce noir désespoir fait paradoxalement l’objet ce cette belle petite bande dessinée ! Comme quoi tout est relatif en ce monde, mais comme quoi si cette BD ne changera rien au problème, elle l’aura au moins évoqué, et de manière originale.

A découvrir !
 

Par Sylvestre, le 4 mars 2012