LULU FEMME NUE
Intégrale

On commence cette lecture sans vraiment savoir ou l’histoire va nous mener. Lulu est une femme en mal de redéfinition, elle ressent le besoin d’une rupture, mais une rupture avec elle même. Elle sait qu’elle reviendra, mais auparavant elle a une expérience à vivre, il lui faut trouver le moyen de résorber cette dépression qui se présente ! Le lecteur est comme le narrateur, un peu surpris par le tournant que prend alors la vie de cette femme mure qui décide un jour de tout laisser derrière elle. Car cet entretien qu’elle vient de "subir" la met face à une image d’elle même qui ne lui convient plus. Un constat d’échec sans appel qui la laisse sans voix, indécise, mais consciente aussi qu’il est temps de faire une pause, suivre le premier inconnu qui passe et voir ce qu’il adviendra.

Dans cette ambiance de surrésponsabilisation, d’étiolement social, il n’est pas très courant de tout laisser tomber pour tenter de se pencher sur soi même afin de se reconstruire. Quand commence l’histoire, Lulu n’a rien de bien exceptionnel. C’est une femme qui voit se profiler les symptômes d’une belle dépression et elle s’interroge, à sa façon, sur ces signes, sur sa vie à ce moment précis, sur ce qui la définit, et pour une fois, elle décide de ne plus appréhender le lendemain, de ne plus penser à cette voix qui lui gueule après au téléphone, voir même simplement à ses enfants qu’elle adore. Il ne s’agit pas de tenter de la comprendre, de la juger, juste de se dire que le chemin qui se dessine alors devant elle n’est rien d’autre que son affaire. Maintenant c’est une question de temps qui doit couler, afin qu’elle ressente les choses essentielles, le vent, les rires, les instants qui filent, qui l’aident à replacer les pièces du puzzle afin d’en apprécier à nouveau le portrait passionné qu’elle a progressivement laissé derrière elle !

Davodeau ne tente à aucun moment d’obliger Lulu à s’expliquer, il offre la parole à ses proches, à leur incompréhension, néanmoins ils ne la jugent pas, ils ont confiance en elle, ils aimeraient seulement pouvoir juste saisir ce qui lui arrive… L’auteur, alors, nous amène à suivre les pas de Lulu qui tente de se donner des limites à dépasser, les nouvelles frontières d’un pays personnel à reconstruire. L’écriture est magnifique de justesse, pleine de très belles subtilités qui viennent pousser le récits deçi delà, digressant légèrement, ponctués par des éléments qui ne nourrissent pas directement l’intrigue, des petites errances et le sentiment que Davodeau nous entraîne dans une expérience de vie, fine et modeste.
Je ne sais pas vraiment pourquoi, toujours est-il qu’en ce moment j’apprécie ces scénarios qui n’en sont pas complètement, qui sortent des sentiers battus. Et cette "Lulu, femme nue" entre complètement dans cette approche.

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, c’est passionnant d’un bout à l’autre. Notamment dans la deuxième partie qui est incroyablement bien construite et qui sonne bien plus une dynamique constructive. Lulu prend conscience que ce qu’elle vit la change profondément, elle prend donc les devants et voit les choses de façon très optimiste !

Cette Intégrale rassemble les deux volumes de ce remarquable diptyque très intimiste et profond. Avec la sortie prochaine (le 22 janvier 2014) de l’adaptation au ciné, réalisée par Solveig Anspach, il est très fortement conseillé de se replonger dans cette histoire toute simple et essentielle qui reste encore un très grand moment de BD !

Ne laissez pas passer cette occasion !

Par FredGri, le 19 décembre 2013