Lutte majeure

1942. Leningrad est assiégée par les Allemands. La population lutte de toutes ses forces pour survivre, mais le froid et la faim sont comme des ennemis invisibles qui eux ont réussi à investir la ville. Le moral des gens est au plus bas. Leurs jours sont comptés…

Seul rescapé d’un commando ayant traversé les lignes nazies et réussi à entrer dans Leningrad, le caporal Nikodim Vlakov est accueilli par des militaires russes bien dubitatifs : sa mission d’apporter dans la ville une simple partition de musique méritait-elle vraiment qu’il se voie aussitôt élevé au grade de lieutenant ?!? C’était quoi, cette blague ? Staline se moquait-il ouvertement de Leningrad et du sort auquel elle semblait être promise pour envoyer ce papier plutôt que des renforts militaires ?!

Les assiégés allaient pouvoir en juger par eux-mêmes en écoutant la septième symphonie en ut majeur tout juste terminée par Dimitri Chostakovitch…
 

Par sylvestre, le 1 mars 2010

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Notre avis sur Lutte majeure

La seconde guerre mondiale nous est racontée dans toutes ses grandes largeurs depuis qu’elle a cessé. Et c’est très bien… Les gens ont besoin de connaître l’Histoire de leur pays. Mais à force d’en entendre, d’en voir et d’en lire, on a parfois l’impression que parmi les redites, on n’a plus grand chose à apprendre de plus… Erreur !!!

"Mondiale, qu’on l’a eue, nous, la guerre !", comme disait Coluche dans son sketch du patriote. Avec la planète entière comme théâtre, il est en réalité impossible d’avoir fait le tour de cette guerre, d’en avoir appréhendé les faits et les conséquences partout dans le monde et jusque dans les plus petits recoins (qui, pour ceux qui en ont souffert, sont sans doute plus des béances saignantes que de simples recoins). Et c’est ça qui est… euh… "positif" dans cet après-guerre : le fait que la lumière puisse encore et toujours plus être faite. Alors parfois, ce seront des atrocités qui seront "remontées". Certes. C’est inévitable. Mais parfois aussi, ce sont des événements positifs qui nous sont arrachés aux griffes de l’oubli.

Lutte majeure répond à ce deuxième cas en nous contant une "histoire dans l’Histoire" si anecdotique qu’on peut penser que jamais on n’en aurait rien su si les événements n’avaient pas tourné de la même manière pour Leningrad et sa population. Le scénariste Céka et le dessinateur Borris rejouent en effet pour nous une page du long siège qu’a subi l’actuelle Saint-Pétersbourg et réussissent à nous faire communier avec les assiégés le temps de quelques notes de musique, lors d’un concert dont l’organisation nous est reconstituée romancée.

Lutte majeure, dont le titre fait habilement référence au nom de la symphonie de Chostakovitch dont il est question, est traitée graphiquement de manière "animalière" : les personnages, bien qu’ils représentent des humains, sont pourtant dessinés comme des animaux. Ce choix ne semble pas trouver de justification dans par exemple des différences qui auraient ainsi été marquées entre les protagonistes du conflit (cf. Maus ou Cat Shit One), mais c’est un choix ne posant en tout cas pas de réel problème d’immersion pour le lecteur : le récit n’étant pas une fiction et nous intéressant hautement pour cela, rien probablement n’aurait su nous dissuader de le lire ; et sûrement pas un graphisme original.

La petite question en marge de l’Histoire qu’on pourra peut-être se poser après lecture est relative à la vertu que les auteurs attribuent à ce concert. Même si avec du recul, cette vertu est indéniable et le coup de poker de Staline gonflé mais habile. Parce que comme le lecteur est au centre de ces personnages qui vivent l’événement et le rendent possible, on a l’impression, par extension, que la totalité de la population de Leningrad toute entière est actrice. Ce qui évidemment n’est pas le cas : tout le monde à l’époque n’est pas dans cette ville forcément proche des militaires concernés ou des membres de l’orchestre. Mais c’est justement ce côté "rassemblement spontané", ce côté "lutte désespérée avec arme symbolique" qui ressort ainsi de la BD ; et qui fait de ce fameux soir du 9 août 1942, pour Leningrad, un moment où tout s’est joué.

C’est intéressant et beau. C’est le type d’histoire qu’on aimerait entendre encore et encore ; c’est comme une fleur poussant sur des gravats… Et c’est à découvrir dans la collection KSTR des éditions Casterman.
 

Par Sylvestre, le 1 mars 2010

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