Lycaons

Meurtres dans la ville, désoeuvrement des jeunes, rivalités entre les flics et la jeunesse, usage de la drogue, banalisation du sexe principalement entre garçons…
Ces sujets qui remplissent l’esprit de toute une génération, sont dépeints en quelques tableaux par Alex Barbier. Il nous livre une suite de courts récits un peu désesperés, un peu paranoïaques, un peu réels aussi.

Par MARIE, le 1 janvier 2001

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Notre avis sur Lycaons

Déf générale : Zoologie, le Lycaon est un animal qui se situe entre le chien et la hyène.
Mais aussi, en mythologie, il est le fils de Pélasgos et roi d’Arcadie. Il est connu pour sa férocité et fut changé en loup par Zeus.
Déf. selon Alex Barbier : Genre humain – synonyme : prédateur.
L’univers d’Alex barbier est tristement désenchanté. Il exprime le mal être et la désillusion au travers d’images, de couleurs, de cases sans commune « mesure » au sens premier et mathématique du terme. Sans aller jusqu’à dire qu’il est un génie, il est un créateur à part entière.
Alors que la bande dessinée est un médium qui permet tout grâce aux innombrables combinaisons possibles entre les codes écrits ou pensés, les formes, les styles narratifs, les couleurs, les thèmes… c’est infini, Alex Barbier se jette dans cet art avec forces et cris, peut être trop vite, peut être trop fort, peut-être trop tôt.
L’ensemble de ce livre est donc une reprise, quelques 25 ans plus tard, de différents récits parus dans Charlie Hebdo mais restés inédits en albums pour certains, et du « Lycaon » édité par les Editions du Square en 1979.
Pourquoi trop fort ? Parce que Barbier parle crûment, aborde la mort, la drogue, la prostitution et l’homosexualité. Ces sujets sont dérangeants. On ne rêve pas avec Barbier, on plonge. Le pouvoir d’attraction nous emmène vers le bas et Barbier nous noie, comme le Styx le ferait, (fleuve des enfers qui prend sa source en Arcadie), sous des couches de peinture oppressantes.
Pourquoi top tôt ? Parce que les années métal ou les années Charlie sont vite éteintes. L’extraordinaire esprit créatif de cette époque, dont font partie également Moebius (Arzach), Druillet (Loane Sloane), Chantal Montellier et tant d’autres, est étouffé dans l’œuf et ce n’est que grâce à des initiatives courageuses d’éditeurs indépendants que certaines œuvres reviennent au goût du jour. Lycaon en fait partie.
La bande dessinée peut véhiculer tous les messages et s’adresser à tous les publics mais il s’agit de ne pas la gâcher. Barbier lui donne une lettre de noblesse même si son discours est difficile et la bande dessinée lui offre l’espace. Barbier est fait pour la bd, c’est une évidence. Il enfonce les portes, il crée les cases sans bords, il est l’un des précurseurs de la couleur directe, il est naturellement un pilier de ce milieu. Pourtant, peu le connaissent !
Cet album est à peu près aussi indispensable dans son style que ceux de Hergé et Chaland, représentatifs de la ligne claire, que ceux de Loisel pour le registre hyper réaliste, ou encore Giraud pour le sens du détail et le fameux modelé au trait.
I’album demande probablement un effort de lecture aux vues de la violence de l’image parfois ou du sens des propos et également pour les lectrices qui sont assez mal considérées.
Mais ce recueil est intense. Il est puissant et enrichissant.
Œuvre difficile mais incontournable.

Par MARIE, le 10 mars 2005

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