Mademoiselle Baudelaire

Si vous avez eu la chance de les récupérer à leur parution, cet album a donné lieu à trois Cahiers Aire Libre qui rassemblaient tous les crayonnés d’Yslaire, ses études, ses collages et autant le dire c’était passionnant !
Nous avons donc ici l’album fini, avec quelques pages manquantes tout de même, remontées et embellies. Nous ne pouvons que tomber sous le charme de cette histoire qui explore la relation entre Baudelaire et Jeanne Duval de qui nous ne savons finalement presque rien, ni son vraie nom, ni sa date de naissance ou de décès.
Toutefois, la démarche d’Yslaire n’est pas de mener une enquête pour retrouver la réalité, mais de construire un récit ou cette ombre gagnerait un visage, un regard, une vie véritable. Un pont entre ce qui se sait du poète et ce que l’auteur a imaginé dans les marges ! On glisse ainsi dans l’intimité d’une chambre, un bruit de draps froissés, deux amants qui se réveillent, tandis que le Paris du XIX ème siècle s’anime, que les cercles d’artistes se réunissent dans les bars de la capitale, reconstruisent le monde et voient naître des légendes !

En fait, on se concentre bien plus sur la jeune femme, sur ce pouvoir qu’elle exerce sur lui, cette sensualité exacerbée qui va se glisser dans les textes de Baudelaire, habiter ses poèmes. Et si encore une fois, nous ne connaissons pas grand chose de cette Jeanne, nous la devinons partout dans cette œuvre qui va marquer son temps !

Yslaire s’est énormément documenté sur le poète, sur son parcours, ses amis et Paris de cette époque. Sous ses crayons s’anime alors une histoire de la littérature profonde et fascinante. Ses personnages glissent dans les cases, s’étirent, le crayon reste parfois, ébauché, un montage de photos vient se coller à un décor. On est captivé par ce récit nonchalant qui se déroule sous nos yeux ! On en redemande !

Peut-être qu’en contre partie, le scénario souffre d’une trop insistante linéarité, sans véritable surprise, autre qu’artistique. Mais l’album ne laisse pas indifférent, assurément !

Par FredGri, le 24 mai 2021