Malgré tout

Ana a rendez-vous aujourd’hui avec Zeno. Sous une pluie battante, à l’abri de leurs parapluies respectifs, les deux sexagénaires ont beaucoup de choses à se dire. En effet, depuis 37 ans qu’ils se connaissent, ils ont eu beaucoup de mal à assouvir cet amour profond qui les tenaillent. Marié à Guiseppe et mère de Laura, Ana a, durant ses deux mandats de maire, œuvré sans relâche et avec humanité pour sa Commune, lui permettant de se moderniser tout en préservant quelques vestiges du passé. De son côté, Zeno, un doctorat en physique en poche, est un baroudeur qui a longuement écumé les mers et qui s’est rendu propriétaire d’une librairie. Tous les deux se sont croisés, recroisés pour n’arriver qu’à échanger quelques mots sans conclusion. Maintenant, que va-t-il bien se passer à partir du moment où ils vont s’embrasser ? Bah, ne serait-il plutôt intéressant de savoir ce qu’ils ont vécu antérieurement ?

Par phibes, le 9 octobre 2020

Notre avis sur Malgré tout

On ne peut que connaître Jordi Lafebre pour son remarquable travail graphique lorsque ce dernier œuvrait sous l’égide du grand Zidrou avec lequel il a donné naissance à Lydie, à l’inspecteur Louzeau dans La Mondaine et également à la pétulante famille Faldérault et sa 4L Esterel dans Les beaux étés.

Fort de cette excellente bibliographie, l’artiste barcelonais a décidé de voler de ses propres ailes et nous propose ce roman graphique que les amateurs d’aventures sentimentales sauront apprécier à sa juste mesure. Pour cela, dès les deux premières vignettes, nous avons le privilège de faire la connaissance des deux protagonistes centraux, Ana et Zeno. Ces derniers vont nous plonger dans une histoire, la leur, selon une évocation particulièrement originale puisqu’elle va se dérouler à rebrousse-temps, de la dernière rencontre à la première, du chapitre 20 au chapitre originel.

Certainement inspiré par les sauts dans le temps perpétrés dans la saga Les beaux étés, Jordi Lafèbre fait preuve ici d’une belle maturité scénaristique pour narrer le relationnel très élastique de ce duo des plus attachants. L’un célibataire endurci, l’autre marié, Ana et Zeno animent avec générosité des tranches de vie qui drainent subtilement (voire poétiquement) sentiments, humanité et fantaisie. L’auteur joue judicieusement sur le relationnel très élastique de ce tandem confondant, sur leurs nombreuses retrouvailles, sur leurs périples personnels, le rendant à chaque fois toujours plus convaincant et plus sympathique à suivre, avec un final… qui n’en est pas un.

Il va de soi que la mise en images de ce récit agit comme un aimant. En effet, Jordi Lafèvre trouve encore une fois l’occasion de jouer, à l’appui d’un trait tout en finesse, avec l’expressivité prodigieuse de ses personnages, dans des œillades, des allures, des émotions, des gestuelles réellement craquantes. Là aussi, on perçoit de la générosité, de la douceur, de la bienfaisance et ce, grâce à une galerie de portraits qui force l’admiration.

Une histoire sentimentale comme on les aime, sensible, délicate, non dénuée d’humour et qui fait du bien par où elle passe. Du grand art, quoi ! Merci Monsieur Lafebre !

Par Phibes, le 9 octobre 2020

Publicité