MARY BELL - L'enfance meurtrière
En novembre 1995, la journaliste Gitta Sereny vient rencontrer Mary Bell pour un entretien qu’elle souhaite explicite sur le pourquoi de ses actions passées. En effet, en 1968, Mary dite May, a été condamnée pour le meurtre de deux jeunes enfants alors qu’elle n’avait que onze ans. Elle a été libérée 11 ans plus tard. Installées face à face, les deux femmes tentent de retracer l’histoire de May afin de comprendre son geste insensé. Reprenant les origines de l’affaire, Gitta cherche la vérité, toute la vérité sur ce fait tragique jugé de façon expéditive et également sur la personnalité profonde de la tueuse à ce moment-là. Cette introspection va se révéler des plus ardues tant certains souvenirs d’enfance d’avant le drame semblent avoir été carrément occultés par May. Saura-t-elle se livrer à Gitta et mettre à jour l’insoutenable ?
Par phibes, le 12 mars 2025
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Notre avis sur MARY BELL – L’enfance meurtrière

Adepte de la Maison Fluide Glacial et particulièrement présente en ce début d’année (Les mémoires de la Shoah, Marie récit d’une GPA), Théa Rojzman trouve par cet album l’occasion de se saisir sérieusement d’un fait divers dramatique qui s’est déroulé en 1968 en Angleterre, celui concernant le meurtre perpétré par la très jeune Mary Bell (au moment des faits – 11 ans) sur deux enfants. Pour se faire, elle met en scène Gitta Sereny, une journaliste spécialiste des traumas sexuels, à l’origine de deux livres sur cette affaire (Le cas Mary Bell et Cries Unheard) et bien entendu la concernée.

Force est de constater que le récit qui nous est proposé est des plus captivants mais aussi des plus terrifiants. En effet, la rencontre de ces deux femmes qui se connaissent depuis des années nous apparaît comme une sorte de psychanalyse effectuée par un personnage empathique sur un personnage particulièrement tourmenté. En cela, Théa Rojzman joue remarquablement sur sa partition en faisant en sorte de lier l’entretien à des séquences métaphoriques qui ont le privilège de peser volontairement, sans pour autant être excessifs, sur la lecture. Petit à petit, même si on ne connaît pas l’affaire, les échanges mis en exergue, entrecoupés de retour dans le passé et de scénettes se suffisent pour découvrir Mary Bell et sa personnalité, ses troubles, son déni sur des souvenirs d’enfance horribles à évoquer selon une traçabilité imparable.
Dans une progressivité subtilement travaillée, les interrogations formulées par Gitta Sereny trouvent réponses, parfois indirectement. Ces dernières relèvent souvent d’une noirceur affligeante, eu égard à l’entourage premier de Mary, composé d’intervenants morbides (la mère de Mary) et d’influences deshumanisantes. Jusqu’à la délivrance finale, des aveux non retenus ô combien atroces, révoltants qui heurteront la sensibilité de tout un chacun tout en donnant un autre regard sur la meurtrière.

S’agissant de sa première bande dessinée grand public, cet ouvrage permet à Vanessa Belardo de faire une remarquable prestation graphique. L’évocation dramatique de Mary Bell est illustrée à la faveur d’un réalisme captivant, entre colorisations communes et passages de sépia. L’expressivité de son coup de crayon joue efficacement un rôle de vitrine sur un personnage tranché, entre son enfance et sa part adulte. Les métaphores qui, à certains moments, accompagnent les échanges, campent idéalement les tourments qui grèvent Mary.

Une puissante évocation d’une ancienne meurtrière qui suscite des questions sur le genre humain, sur ce qu’il peut faire à autrui. A découvrir malgré sa grande dureté qui ne laissera personne insensible.
Par Phibes, le 12 mars 2025