Mauvaises herbes

Oksun est coréenne, elle a grandit dans un milieu très pauvre ou il était souvent assez difficile de simplement pouvoir manger. Quand elle a 16 ans, ses parents la vendent aux propriétaires d’un petit restaurant qui finissent eux aussi par s’en débarrasser auprès d’un tenancier de bar. Mais alors qu’elle rentre d’une commission, elle est enlevée par des inconnus qui la revendent ensuite à un couple de souteneurs qui tiennent une « maison de femmes de réconfort », installée non loin des campements de soldats japonais. Ils pouvaient ainsi venir abuser en toute légalité des jeunes coréennes qui n’étaient désormais considérées que comme de simple objets, à peine des êtres humains. Oksun va alors vivre un véritable cauchemars pendant toute la guerre, jusqu’à la capitulation du Japon en 1945. Désormais loin de son pays, des siens, sans argent, elle va vivre à la rue, rejetée de tous…

Par fredgri, le 29 février 2024

Notre avis sur Mauvaises herbes

Il est difficile, après une telle lecture, de rester de marbre devant le drame qui nous est raconté par Keum Suk Gendry-Kim au fil de ces 490 pages et quelques.
Sans entrer dans les détails, il faut simplement savoir que le Japon a envahit la Corée en usant d’une violence barbare extrêmement dure, massacrant des milliers de civils, violant, détruisant tout sur leur passage, réduisant un pays et sa population à l’état d’animaux dociles. C’est dans ce contexte que très vite, les autorités ont instauré ce qu’on a appelé des « maisons de femmes de réconfort », ou plus clairement des lieux ou l’on mettait à disposition des soldats des jeunes coréennes qu’ils pouvaient utiliser comme bon leu semblait, des objets sexuels non consentantes dans des zones de non droit.

Cette réalité, qui n’a évidemment pas les honneurs des grands reportages, nous saute alors au visage comme une gifle. Keum Suk Gendry-Kim raconte sa rencontre avec Oksun Lee dans une « maison de partage » qui accueille justement les victimes de ces « lieux de réconfort ». Elle l’écoute évoquer son enfance, les conditions de vie avec sa mère qui était très dure, ses frères et sœurs, puis son enlèvement et ce quotidien qui va progressivement la traumatiser à vie, mais qui va lui forger aussi un caractère plus volontaire, une fois qu’elle aura pu y survivre. On ne peut donc rester insensible devant ce témoignage, devant les images qui s’immiscent dans notre cerveau en imaginant l’horreur qu’a du traverser cette vieille dame, et des milliers d’autres dans le même cas.
L’écriture est d’une très grande subtilité, il n’est pas question de se perdre dans des scènes trop vulgairement démonstratives, ni d’entrer dans les détails, néanmoins l’autrice ne veut rien cacher non plus dans ce qu’elle raconte, ce qu’elle dénonce.
Entre les confidences ou se glissent parfois quelques pointes de rire, on découvre une femmes qui n’a jamais oublié, mais qui ne s’est pas laissée détruire, même si ce passé la hante et même si autour d’elle, l’acceptation est plus compliquée que prévue. On vibre d’émotion devant le dessin tout en finesse, la sobriété très habile des planches pour nous laisser deviner l’horreur qui s’y cache deçi delà.

C’est une page sombre de l’histoire japonaise qui se révèle à nous, puissant message sans concession d’une force incroyable. On tremble en parcourant certains passages, on relève la tête en essayant d’écarter les visions qui se dessinent entre les cases.
Mauvaises Herbes est le coup de poing du moment, qui nous permet enfin de pouvoir relire cet album précédemment édité par Delcourt, mais depuis longtemps introuvable.

A lire absolument !

Par FredGri, le 29 février 2024

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