Mediator, un crime chimiquement pur

 
De trop nombreux cas de décès pour insuffisance cardiaque que la pneumologue Irène Frachon observait sur des patients qui n’auraient pas dû mourir de ça ont poussé cette dernière à enquêter. Ses recherches l’ont conduite à découvrir que le Mediator, "facteur commun" que les gens se faisaient prescrire comme coupe-faim, en avait remplacé un autre : l’Isoméride, poison dont le retrait avait été ordonné dix ans plus tôt en 1997.

Modification de formule chimique, mais mêmes conséquences toxiques mortelles… L’hécatombe qui aurait dû prendre fin avec le retrait de l’Isoméride continuait allègrement, mais sous un autre nom, de faire des centaines de victimes. Tout cela sans que soient embêtés les cupides chefs d’orchestre de ce scénario de mort : les laboratoires Servier, qu’Irène Frachon allait traîner en justice après s’être attachée à démontrer leur responsabilité.
 

Par sylvestre, le 18 mars 2023

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Notre avis sur Mediator, un crime chimiquement pur

 
Certains dossiers hors normes ont marqué leur temps par la médiatisation qui en a été faite et on pourrait, pour donner des exemples, nommer entre autres l’affaire du petit Grégory ou l’affaire du sang contaminé. Ce sont des scandales qui éclatent dans la presse mais dont le feuilleton finit souvent par perdre ou lasser l’auditeur, le lecteur ou le téléspectateur tant il dure… L’affaire dite du Mediator est l’un de ces scandales "longue-durée", et si, parce que vous ne vous êtes pas senti(e) directement concerné(e), vous avez un jour fini par ne plus tendre l’oreille quand il en était question parce que ça devenait trop compliqué, sans doute serez-vous intéressé(e) par cette bande dessinée qui réussit à tout expliquer clairement en reprenant les choses depuis le début.

Irène Frachon, la lanceuse d’alerte à l’origine du procès du Mediator, et Eric Giacometti, journaliste qui à l’époque avait couvert l’actualité relative à l’Isoméride, sont les scénaristes de cette bande-dessinée mise en images par François Duprat. Ils sont donc bien placés pour en parler et, si l’on n’a en réalité que leur point de vue dans cet ouvrage, l’évidence du bien-fondé de leur combat et leur bonne foi crèvent l’écran. Peut-être parce que les victoires des David contre les Goliath sont plus belles et qu’alors il serait très tentant de parler (à mon tour) d’Irène Frachon comme d’une Erin Brokovitch ? Mais aussi parce que tout moutons qu’on est, nous autres les petites gens, on n’est pas complètement dupes lorsqu’il est question in fine d’indécents profits réalisés par des industriels intouchables protégés par les politiques, les magistrats et les décideurs qu’ils arrosent… A noter que toutes les sources des auteurs sont vérifiables ; et vous verrez que certains documents valent leur pesant de cacahuètes : les fichiers "Personnel", par exemple, minutieusement tenus pas les recruteurs des laboratoires Servier, ne sont pas directement des pièces à charge dans l’affaire du Mediator mais montrent un répugnant rapport à l’humain qu’on n’est donc pas étonnés de voir jaillir autrement dans leur défense lorsqu’ils nient ou minimisent le nombre des décès dus au Mediator…

Quelques histoires courtes sont parsemées dans cette bande dessinée : le récit du malheur de certaines victimes. Ces récits sont touchants, ils montrent des visages et nous font toucher du doigt le malheur qui a frappé des innocents dans un dossier où sinon ce sont beaucoup de courriers, de mails, de circulaires, de rapports, etc, qui sont les armes et les boucliers de l’attaque et de la défense.

L’exposé en effet est heureusement mis à la portée du public : le neuvième art vient, dans cet ouvrage, alléger ce qui autrement ne serait que textes probablement vite imbitables pour les non initiés. L’enquête est ainsi rendue facile à suivre, les noms qu’on nous donne nous raccrochent aussi, quand on les connaît, à la réalité de notre quotidien. Même les explications qui nous sont données relatives à la chimie ne se transforment pas en un cours de fac duquel on ressortirait assommé ! Enfin, une des astuces choisies par les auteurs pour nous épauler dans notre compréhension et notre discernement tout au long de notre lecture, c’est la série d’interventions "à l’image" d’Hippocrate, figure de l’éthique médicale, qui s’en donne là forcément à cœur-joie pour appuyer là où ça fait mal.

Mediator, un crime chimiquement pur est un document de grand intérêt qui rend compréhensible une affaire extrêmement compliquée. C’est aussi bien sûr un hommage à Irène Frachon qui n’a pas ménagé ni son temps ni sa sa peine pour défendre les petits contre les surpuissants ; doublé d’un hommage aux victimes du Mediator. C’est aussi (et sans être complotiste) une preuve supplémentaire que bien des choses nous dépassent et que malheureusement, une fois encore il est question de l’éhonté enrichissement de quelques-uns qui n’en ont rien à faire de piétiner leur prochain pour parvenir à leurs discutables fins.
 

Par Sylvestre, le 18 mars 2023

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