Mille sabords ! Mon beau château !

 
Majestueux (bien que plus court que son assumé grand frère de Cheverny) et entouré d’un vaste parc, le château de Moulinsart est un lieu bien connu des innombrables lecteurs des Aventures de Tintin. Qui n’en a jamais remarqué la symétrique façade ? Qui n’y séjournerait pas s’il en avait l’occasion ? Qui… n’y a pas de souvenirs ?!

Le château de Moulinsart est un endroit qui, ainsi, appartiendrait à tout le monde ! Ou du moins à tous les lecteurs de Tintin ; ce qui reviendrait quasiment au même ! Et pourtant… Tout "millions d’âmes" que l’on est à le connaître, il reste un château mystérieux, approximatif, voire changeant. Un château dont toutes les portes ne se sont pas ouvertes…

Par sylvestre, le 3 novembre 2021

Publicité

Notre avis sur Mille sabords ! Mon beau château !

 
Mille sabords ! Mon beau château ! est un nouveau titre de la collection Zoom sur Hergé des éditions Sépia, une nouvelle récréation pour les insatiables fans de l’univers du célèbre reporter du Petit Vingtième. C’est un livre dans lequel on entre comme on entrerait dans une propriété : guidés par un fin connaisseur des lieux !

Par un agent immobilier ? Non, parce que Moulinsart n’est pas à vendre… Par un personnage imaginé par Hergé et qui jouerait ce rôle ? Non, Pierre Bénard n’apparaît dans aucune des aventures de Tintin… Mais par quelqu’un (le susnommé Pierre Bénard) qui affirme lui-même à qui veut bien le lire ou l’entendre avoir "posé ses valises à Moulinsart" quand il était gamin pour n’en plus jamais ressortir.

Pierre Bénard connaît manifestement les lieux comme personne. Et s’il les connaît moins bien que Nestor, Tryphon, Tintin ou Archibald qui y vivent, à n’en pas douter, il les connaît mieux que vous et moi, preuves à l’appui ! Dans ce livre, il nous les fait redécouvrir en reprenant la lecture de certains albums ou avec des approches plus ou moins thématiques. Et nous fait part, au fil des pages, de ses observations relatives aux pièces, au mobilier, au parc, à la géographie et à l’esprit de tout cela…

Et c’est vrai, ça. Moulinsart est un château que les lecteurs connaissent… sans vraiment le connaître, en définitive. Qui pourrait se vanter de pouvoir en dessiner les plans ? Qui pourrait certifier que telle pièce jouxte telle autre ou se situerait au-dessus de telle autre ? Personne. Surtout qu’après observations et réflexions poussées, il apparaît évident que le château de papier est un brin… mystérieux. Avec des pièces qui changeraient de place les unes par rapport aux autres, avec des étages dont on ne sait plus trop à quelle altitude il faut les situer, avec un escalier extérieur au nombre de marches changeant ! Moulinsart est un château qui s’est adapté, qui s’est dévoilé et a dévoilé son parc aventure après aventure, et dont Hergé n’a ouvert que les portes derrière lesquelles ont eu lieu les actions dont il a voulu nous rendre témoins. Le reste restera dans le domaine du privé, du secret, de l’invisible…

L’auteur aime écrire, ça se sent, et son bon français est fort agréable à lire. Dans mes critiques d’autres ouvrages commis par d’autres tintinologues, j’ai plutôt tendance à m’agacer devant leurs phrases trop complexes ; comme si utiliser des mots savants devait rendre leur analyse plus solide, plus sérieuse. Là, on n’est pas dans une théorie à laquelle l’auteur voudrait qu’on adhère : on est plutôt dans une visite de lieux, dans une présentation, dans un exposé malicieux où il ne s’agit pas de dire à la fin si on est d’accord ou pas.

Les chapitres dans Mille sabords ! Mon beau château ! sont très courts. Pas le temps donc de se lasser en étant brinquebalé dans des démonstrations sans fin desquelles on finirait par décrocher. Non, là, c’est concis, c’est rapide et efficace. Comme si notre guide allait à son essentiel ; il faut dire que nous ne sommes pas les seuls visiteurs, il s’agit de laisser la place aux suivants !

L’œuvre de Hergé est "multi-entrées" : elle a déjà été analysée par le prisme de nombreux thèmes. Le château de Moulinsart n’a lui qu’une seule entrée principale, mais la labyrinthique simplicité de sa conception intérieure en a fait un terrain de jeu pour l’auteur Pierre Bénard qui s’emploie dans ce livre à nous y perdre ; pas pour qu’on soit angoissés de ne plus pouvoir en sortir mais au contraire pour qu’on prenne plaisir à le revisiter encore et encore en long en large et en travers, dusse-t-on n’en jamais percer certains mystères qui restent au final d’une certaine non-importance puisqu’ils n’entravent en rien la compréhension des actions qui s’y déroulent et ne sauraient gâcher le plaisir de la lecture des aventures où il joue son rôle.
 

Par Sylvestre, le 3 novembre 2021

Publicité