Mister Griffith
Dans le calme ambiant de sa superbe roseraie d’Hollywood boulevard au coeur de laquelle aiment flâner bon nombre de visiteurs, l’aquarelliste et horticulteur averti qu’est le marquis Paul de Longpré se plait à lire de la poésie. Malheureusement, en ce jour de l’année 1910, il se voit dérangé par l’arrivée intempestive et bruyante d’une troupe d’individus menés par le tonitruant David Wark Griffith. Ce dernier, cinéaste à la solde de la Biograph Company, est venu en Californie, réputée pour sa luminosité ambiante, pour tourner quelques films. Quelque peu troublé par tout cet équipage en campagne qui œuvre dans un art qu’il ne connaît que trop peu, Longpré en vient à autoriser sa bavarde de fille à suivre la caravane dans ses pérégrinations cinématographiques, non sans avoir au préalable inviter Griffith, ses comédiens et techniciens, à profiter de son domaine. Voilà une surprenante rencontre qui pose les balbutiements d’un art qui va progressivement transformer le petit quartier d’Hollywood de 1910 en une véritable capitale du cinéma.
Par phibes, le 1 juin 2011
-
-
dessinateur :
-
Coloriste :
-
Éditeur :
-
-
Sortie :
-
ISBN :
9782723477024
Publicité
Notre avis sur Mister Griffith
Sur une idée de son frère Laurent avec lequel il a partagé auparavant la série Aven, Stephan Astier se lance dans une grande aventure dédiée au centre historique de l’industrie du cinéma qu’est Hollywood. Pour ce faire, ce dernier a décidé de se focaliser sur l’année 1910 et de relater les premiers pas de sa notoriété via la rencontre de deux personnages historiques, Paul de Longpré et David Wark Griffith.
Assurément, cet ouvrage, fort de plus de 90 planches (avec trombinoscope intégré), possède de la matière, une matière "cliquetinesque" que l’auteur a dû restituer après un brassage conséquent de données historiques. Aussi, est-il des plus intéressants d’assister à un tournage (l’un des premiers films tournés à Hollywood – In Old America, Ramona ?) et voir ainsi évoluer leurs nombreux personnages dont l’identité et l’évocation sont rattachées à l’époque du cinéma muet. En tête vient le fameux réalisateur enfiévré américain David Wark Griffith, suivi de près par ses comédiennes (Mary Pickford, Lillian Gish, Mabel Normand..) et ses techniques de tournage (le maquillage, le principe de la caméra créée par Edison…). De même, et c’est là la richesse de cet album, les frères Astier y traite de la lourde répression de Thomas Edison sur les cinéastes indépendants utilisant son matériel via la MPPC (Motion Picture Patent Company), ou encore dans un autre domaine la création d’Hollywood (Harvey Wilcox et sa femme Daeida, l’intervention de l’architecte québécois bahaïste Jean-Baptiste Bourgeois, le contentieux avec le français Blondeau…), les origines de Griffith…
Au vu du caractère touffu de la thématique qui pourrait transformer l’ouvrage en un documentaire lourd à digérer, Stephan Astier use d’un concept original, fringant, largement didactique et divertissant par le biais de l’intervention très énergique de la très curieuse fille de Paul de Longpré (lui-même volubile au demeurant). Il en ressort une atmosphère des plus enjouées, électriquement animée, parcouru de saccades (comme un vieux film à coup de manivelle) et mû d’une soif de connaissance dont le lecteur fait irrémédiablement sienne.
Le geste graphique de cet artiste complet est très plaisant. Usant d’une touche semi-réaliste qu’il adapte subtilement à la thématique (style à l’ancienne) et qui révèle ses nombreuses facettes de dessinateur, ce dernier nous amuse tout en nous instruisant sur l’univers du cinéma d’époque (entre autres, il sera captivant de passer par la focale de la caméra et de percevoir une séquence de tournage, d’appréhender les techniques balbutiantes du cinéma que l’on connaît aujourd’hui ou se transporter au temps de la Guerre de Sécession…). Son trait se veut synonyme de fougue et de juvénilité que l’on pourra saisir dans les attitudes surexposées de ses nombreux personnages mais également dans la restitution riche et colorée des décors.
Une aventure pionnière qui vaut pour son coup de manivelle avertie et maîtrisée et qui nous assure d’une projection initiatique des plus enrichissantes en l’honneur du septième art.
Par Phibes, le 5 juin 2011
Publicité