Moi, ce que j'aime, c'est les monstres
Livre Premier

La jeune Karen est une solitaire qui aime à s’imaginer comme un monstre. Elle vit avec sa mère et son frère Deeze, elle aime les vieilles revues d’horreur dont elle reproduit les couvertures dans son carnet et parfois, quand elle porte l’imper que lui a donné Deez, elle se croit une grande détective qui observe tout ce qui l’entoure. Soudain, un soir, en rentrant de l’école, elle apprend que sa voisine du dessus, la belle Anka Silverberg, s’est suicidée… Elle l’a connaissait bien, elle était très gentille avec elle, ça n’est pas possible, elle décide d’enquêter de son côté et découvre le passé tourmenté d’Anka, en Allemagne, avant et pendant la guerre… Est-ce que tout cela aurait à voir avec sa mort ?

Par fredgri, le 15 octobre 2024

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Notre avis sur Moi, ce que j'aime, c'est les monstres #1 – Livre Premier

Récompensé de tous les côtés, ce premier volume de Moi, ce que j’aime, c’est les monstres est avant tout une vraie expérience de lecture en soi. Mêlant l’expérimental, le polar, le récit intimiste, l’histoire nous entraine dans les confidences de la jeune Karen, telles qu’elle les note dans son carnet. Entrecroisant les croquis d’observation, les dessins d’imagination, les petites séquences de dialogues, elle nous plonge dans l’univers d’une ado curieuse de tout, attachée à sa famille, sa mère à qui on vient de diagnostiquer un cancer en phase terminal, son frère tatoueur qui l’initie au monde de l’Art, du dessin. Elle nous décrit son quotidien, ses voisins et tout ce qui l’entoure. En grande fan des récits d’horreur elle s’imagine même, pour représenter son isolement et ce sentiment de marginalité, en monstre…

Une grande partie de l’album est donc tourné vers cet aspect « journal » qui dresse le portrait d’une jeune héroïne qui tente de mieux comprendre la vie et tous ceux qu’elle croise, tout en se découvrant elle même dans son rapport aux autres, à sa famille, à sa propre sexualité.
Le récit prend néanmoins un nouveau tournant quand la voisine du dessus est retrouvée morte et que la police conclue un peu vite au suicide. Karen se donne alors comme mission de trouver le véritable coupable. On comprend très vite qu’elle entretenait un lien très fort avec la belle Anka, ce qui lui permet d’accéder à des enregistrements ou sa voisine raconte son enfance et sa vie en Allemagne dans les années 20/40.
Les récits se croisent alors, entre l’enquête informelle de la jeune fille, son propre quotidien et les souvenirs d’Anka, on glisse dans une succession de petites séquences qui s’harmonisent pourtant très bien. Et c’est certainement la très grande force d’Emil Ferris, cette capacité à animer un chaos apparent, tout en lui donnant progressivement une cohésion très solide, fait de liens, de confidences, de tout un tissu intimiste touchant et captivant.

Parce qu’il faut bien noter que l’album fait plus de 400 pages, qu’il est dense et très immersif en même temps, donc « l’effort » que demande la lecture est à la hauteur de la profondeur dans laquelle nous plongeons. Plus on avance, plus on prend conscience de l’importance des détails, de tout ce qui nous permet de glisser d’un point à l’autre, voire même de cette digression permanente qui n’en est pas vraiment une, au final.

En refermant la dernière page, on reste encore bouleversé par cette brillante démonstration graphique et scénaristique. Les pages, au stylo, sont grandioses et l’aspect formaliste est très impressionnant.
Une œuvre qui nous laisse bouche bée.

Extrêmement conseillé.

Par FredGri, le 15 octobre 2024

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