MOI RENE TARDI PRISONNIER DE GUERRE AU STALAG II B
Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag II B

René Tardi, père de Jacques, a vécu une expérience comme beaucoup d’hommes l’ont malheureusement vécue durant le second conflit mondial. Engagé en 1935 dans un régiment de chars de combat, ce dernier s’est vu mêlé à ce conflit contre les forces allemandes dès les premières heures. C’est à l’issue d’une certaine errance à bord de son H 39 et de nombre d’échauffourées contre un ennemi de plus en plus pressant que le sergent-chef René Tardi a fini par être constitué prisonnier et déporté comme tant d’autres de ses camarades en Allemagne et plus particulièrement en Poméranie, au sud de la Mer Baltique. C’est en ces lieux des plus éloignés que le militaire intègre le stalag II B pour y vivre une détention longue et terrible qu’il va consigner sur des cahiers. Ces faits véridiques qui constituent un témoignage on ne peut plus bouleversant, sont aujourd’hui retranscrits par son fils Jacques.

Par phibes, le 9 décembre 2012

Notre avis sur MOI RENE TARDI PRISONNIER DE GUERRE AU STALAG II B #1 – Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag II B

Parce qu’il avait été sensibilisé dès son plus jeune âge et qu’il l’avait reçue consignée sur trois cahiers d’écoliers en 1980, Jacques Tardi s’est enfin décidé à publier l’expérience douloureuse vécue par son père durant la seconde guerre mondiale. Sous le couvert de la maison Casterman, le géniteur des aventures d’Adèle Blanc Sec et de Nestor Burma revient donc dans des dispositions artistiques cette fois-ci purement intimistes et évidemment pour le moins saisissantes.

Considérant sa propension reconnue à concocter des récits d’époque (de guerre ou d’après guerre), l’on ne pourra qu’adopter avec un réel plaisir l’initiative de cet auteur à la plume aiguisée et reconnaissable. Animé par une envie qui le démangeait depuis longtemps, Jacques Tardi part ainsi, dans une mise en images qui lui est propre, sur les traces de son père, un père qui, entraîné par les remugles d’un conflit international, a vécu la guerre en captivité.

Pour ce faire, l’artiste a pris pour parti de respecter la chronologie des faits relatés par son père, en commençant par planter le décor international et les nombreuses tensions politiques que ne manquera pas de provoquer l’avènement du 3ème Reich tout en explicitant le giron familial des Tardi. Sur un ton tout à fait complice et nature entre père et fils, Jacques Tardi se projette aux côtés de son paternel et l’accompagne dans sa longue narration personnelle imagée. Aussi, dans cette première partie, le lecteur est appelé à vivre un quotidien particulièrement instable, servi par un protagoniste clé qui offre une vision de ses mésaventures au jour le jour, avec une certaine détermination, dans un sens dramatique, rebelle et un tant soit peu fataliste. L’on y perçoit les conditions dans lesquelles le responsable du char H 39 a vécu sa destinée, une destinée bientôt cloisonnée durant 5 ans dans un des nombreux camps de prisonniers allemands. Par ce biais, le témoignage est écrasant et se veut la confirmation de ce que l’Histoire nous a déjà rapporté. L’inhumanité, la maltraitance outrancière, l’horreur dans sa plus grande expression hors du théâtre des opérations se découvre ainsi, au beau milieu de la Poméranie, narrée avec simplicité et douleur.

Le style graphique de Jacques Tardi qu’on lui reconnaît est en totale osmose avec cette initiative. Assurément en adéquation avec les ouvrages historiques réalisés précédemment, son dessin délié, en noir et blanc (parfois relevé avec audace par quelques pointes de couleur) se veut flirter avec cette authenticité dont on a besoin pour faire passer un message fort. La vision que l’auteur nous offre est absolument claire, probante, très explicite, indubitablement effrayante par le contexte développé.

A l’instar du Carnet de Roger de Florent Silloray (chez Sarbacane), une première partie d’un ouvrage intimiste et honorifique porté par un Jacques Tardi (cautionné par sa femme Dominique et sa fille Rachel) encore plus motivé. De la grande œuvre à lire urgemment !

Par Phibes, le 9 décembre 2012

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