Monaco - Luxe, crime et corruption

Journaliste d’investigation indépendante ayant eu l’occasion de réaliser des reportages pour le compte de l’Express, Charlie Hebdo, d’Envoyé spécial sur France 2, Hélène Constanty s’est découvert une nouvelle passion, celle de la bande dessinée. Profitant donc de ce format-là, elle a décidé de présenter ses enquêtes. Monaco est son premier album qui se veut publié chez Soleil dans la collection Noctambule et qui a la spécificité de mettre à jour certaines pratiques illicites qui se trament à l’ombre du « Rocher ».

Paru initialement en automne 2016 dans le numéro 13 de La Revue Dessinée sous l’intitulé Monaco, d’or et de plomb, cette équipée journalistique a l’avantage de s’établir sur des faits authentiques, sur des affaires judiciaires qui ont ébranlé l’image prestigieuse de la principauté. Se rapportant ainsi à une histoire dramatique toujours en cours d’instruction qui touche des gens influents de Monaco (la famille Pastor) dont un membre est allé jusqu’au crime (Hélène Pastor) pour de l’argent, Hélène Hostanty en développe les méandres de celle-ci. Pour conforter son sujet, la journaliste n’hésite à brosser le décorum monégasque, à partir du 13ème siècle jusqu’à nos jours, transformé par les Grimaldi, puis par la famille Pastor avec les faveurs princières en un véritable parc urbanisé à outrance réservés aux plus riches et fiscalement éblouissant.

Elle y évoque abondamment l’affaire de corruption liée à l’oligarque Dimitri Rybolovlev, dans une enquête à tiroir rondement explicitée qui générera un véritable scandale politique et également celle liée à l’extension exorbitante du port monégasque financée par des actionnaires mystérieux.

Force est de constater que cette restitution implacable bénéficie d’un réel intérêt car elle a le privilège de nous ouvrir les yeux sur un envers du décor stupéfiant et assurément confondant malgré que les faits ne soient pas encore jugés. Entre révélations strictes des affaires que gangrènent cette caste des ultra-riches et interventions directes de la journaliste pour aérer le côté documentaire, l’album se veut des plus intenses et donne suffisamment de matière à réfléchir.

Pour traduire cette analyse journalistique en images, Thierry Chavant à qui l’on doit la partie illustrée de Sarkzy-Kadhafi, est de la partie. L’artiste fait preuve d’un travail minutieux qui a son charme, eu égard à la finesse de son trait et aux recherches inéluctables qu’il a dû réaliser. L’on concèdera que la restitution des personnes concernées est sérieusement inspirée et que le cadre « doré » dans lequel on les découvre repose sur des décors de choix, bien détaillés pour nombre d’entre eux.

Une enquête journalistique édifiante réalisée par une reportrice d’investigation et un illustrateur qui ne manquent assurément pas de souffle.

Par Phibes, le 14 mai 2021