MORT AU TSAR
Le gouverneur

Le grand-duc Serge Alexandrovitch, gouverneur de Moscou, est au balcon de son palais ce 17 septembre 1904. Une foule dense manifeste sur la place. L’armée, ayant mal interprété un geste du grand-duc, se met à tirer sur le public. L’événement marque profondément le gouverneur qui devient la cible de menaces de mort de plus en plus importantes, notamment de la part des terroristes révolutionnaires. Pour Alexandrovich, il ne fait aucun doute que ses jours sont comptés.

Par legoffe, le 4 septembre 2014

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2 avis sur MORT AU TSAR #1 – Le gouverneur

Après avoir imaginé les conditions de la Mort de Staline, Thierry Robin et Fabien Nury nous offrent un nouveau voyage en Russie, mais à l’époque des tsars cette fois. La Révolution bolchevique n’aura lieu que dans 13 ans, mais nous pouvons constater, grâce à cette bande dessinée, que la situation politique est déjà extrêmement tendue.

Si le titre de la BD laisse à penser que l’on s’attaque au tsar, ce n’est pourtant pas de lui dont il est question ici directement, mais de son oncle, le grand-duc Serge Alexandrovich, alors gouverneur de Moscou. Nous le suivons pas à pas depuis le drame du 17 septembre, ce qui permet d’entrer dans son intimité et de tenter de comprendre quelque peu son point de vue. Le portrait qui nous en est fait génère d’ailleurs une réelle compassion. Les auteurs décrive un homme dépassé par les événements et par sa charge, compatissant pour son peuple sans pour autant avoir engagé des actions qui pourraient permettre de changer les choses. L’Histoire est en train de s’écrire et le gouverneur se veut assez fataliste, inquiet plus pour sa famille que pour lui même.

Cette ambiance pesante, cette ombre qui tombe sur le règne des tsars, est accentuée par les dessins percutants de Thierry Robin. Lui qui aime jouer des traits tranchants et des découpages entre le noir et la lumière est parfaitement dans son élément ici. Les planches sont vraiment très réussies.

Cela donne un livre passionnant qui dépeint la totale déconnexion entre le régime tsariste et son peuple, mais aussi les états d’âme d’un homme qui fait face comme il le peut à cette révolution qui se rapproche.

Il me tarde maintenant de découvrir l’autre pan de cette histoire, prévue en deux tomes. Nous suivrons, cette fois, le terroriste qui va mettre fin à la vie du gouverneur. Autant dire que c’est un remarquable travail que réalisent les auteurs. Ils nous ouvrent le regard sur une période qui nous reste assez méconnue. Et si certains détails sont, bien sûr, sujets à interprétation et que plusieurs scènes sont forcément romancées, l’Histoire semble globalement respectée. Assez pour nous aider à comprendre et retenir l’essentiel, à savoir l’essence de ce qui fera la révolution rouge de 1917.

Par Legoffe, le 4 septembre 2014

Sous son balcon, ce 17 septembre 1904, la révolte grondait et des tomates l’ont atteint au visage. Le grand duc Sergueï Alexandrovitch, gouverneur de Moscou, en a laissé tomber son mouchoir. La police a alors tiré sur la foule, tuant ou envoyant à l’hôpital plusieurs dizaines de personnes. Mais… n’avait-il pas été convenu que c’est s’il agitait son mouchoir qu’il faudrait tirer ? Malheureusement, ce qui était fait était fait, et le résultat, c’est que la popularité du gouverneur allait d’un seul coup descendre en flèche… Que personne n’allait plus miser un kopek sur lui, le considérant comme politiquement mort ; ou mort tout court.

D’un seul coup, le fardeau de Sergueï Alexandrovitch lui a paru trop lourd. Que pouvait-il faire ? Partir dans le sud de la France où il avait une villa pour se faire oublier ? Donner sa démission ? Impossible : son neveu, le Tsar, lui refusait tout ça en bloc. Sergueï Alexandrovitch devait assumer, il devait affronter son destin !

D’abord à cran et en perte de confiance, il se mit à soupçonner tout le monde de vouloir lui nuire, y compris ses plus proches et plus fidèles conseillers. Puis à tout cela succéda une sorte de période de « lâcher prise » : s’il n’avait plus que quelques jours, voire quelques heures à vivre, autant qu’il les vive pleinement ! Il se mit ainsi à donner plus de temps à sa fille, osa sortir seul dans la rue et y braver des citoyens n’en croyant pas leurs yeux, signa des papiers auxquels il n’accordait plus guère d’importance, renvoyant ceux qui lui demandaient audience à son futur successeur ! Sergueï Alexandrovitch préparait sa mort. Elle devait arriver sous peu et il l’attendait…

Après La mort de Staline, Fabien Nury et Thierry Robin remontent le temps, remettent le cap vers l’est et s’emploient ensemble à remixer une nouvelle fois très librement Histoire et fiction dans un diptyque original plantant ses décors dans la Russie tsariste du tout début du vingtième siècle.

Leur récit tourne autour du personnage de Sergueï Alexandrovitch, neveu de tsar et gouverneur de Moscou à qui la capitale russe a dû, à la charnière entre les 19 et 20ème siècles, l’expulsion de milliers de juifs. Un grand homme qui était homosexuel aussi, dit-on. Bref, en deux mots, le candidat idéal pour un scénario prenant et à rebondissements ! Pour une analyse intéressante aussi de l’attitude du "condamné" : comment il vit son sursis, comment il gère le temps qui le sépare d’une mort annoncée.

Le dessin de Thierry Robin, semi-réaliste, est impeccable pour l’exercice. D’autant plus que le récit n’est pas exactement fidèle à la réalité et qu’alors, les visages qu’il croque, un peu allongés ou imperceptiblement déformés, peuvent s’adapter à l’humour ou à la gravité des situations sans que ça gêne le lecteur. Entre farce et drame, Mort au tsar est de ces lectures qui sont récréatives tout en étant culturelles et on y apprendra donc des choses en en lisant les planches. Le hic, c’est qu’à s’approprier l’Histoire avec un grand H afin d’en tirer le meilleur pour créer une "petite" histoire, on peut tomber dans le résultat inverse de ce qu’on escomptait et raconter finalement un récit qui recèlera plus de fantaisie que de vérités. C’est une des limites du genre, que certains n’aiment pas voir franchies.

Ce tome 1 se termine sur un suspense qui n’en est pas vraiment un mais qui nous réserve quand même une surprise de taille. Et pour cause, puisque cette surprise est tome 2 lui-même, intitulé "Le terroriste", qui nous fera vivre les événements mais vus du côté de celui qui a lancé la bombe qui sera fatale au gouverneur ! Un choix narratif apportant de l’originalité à cette bande dessinée qui sinon aurait certes été bien bonne mais sans véritable autre relief que les libertés qu’ont prises avec leur sujet les auteurs.

Par Sylvestre, le 15 septembre 2014

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