Mortis, l’éternel retour

Dans les années 1970, des morts mystérieuses surviennent à Paris et le centre de recherche extra-humaine dirigé par le Père Libby découvre à proximité des corps un jeu de tarot puissant. Mais incomplet. L’arcane n°13 a disparu. Alors qu’il refait surface à Londres quarante ans plus tard, deux femmes sont tuées et la carte à nouveau volée.

Dans le même temps, sur un îlot au milieu de l’océan pacifique sud, trois soldats ayant pour mission de protéger un mystérieux dôme se retrouvent isolés par une étrange tempête. Lorsque l’un des soldats meurt de manière inexplicable, les deux survivants s’affrontent sans se douter ce qui se cache sous la structure est sur le point de se réveiller…

Par geoffrey, le 17 novembre 2023

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Notre avis sur Mortis, l’éternel retour

Il existe des mystères qui charrient leur lot de cadavres fumants, de portions d’êtres humains entravés au-dessus d’une piscine, de signes cabalistiques. En avançant dans la lecture, le brouillard s’épaissit, devient à couper au couteau (ou au scalpel…), la machination prend corps, se complexifie, se joue des tourments humains dont le MAL se repaît pour s’incarner un peu plus à chaque planche. Notre curiosité jamais rassasiée nous mène toujours plus proche de son avènement.

Entre curiosité et plaisir à se faire peur, Mortis, l’éternel retour est une bande dessinée intrigante à plus d’un titre. Elle nous entraîne en trois parties (“L’île”, “le brouillard” et “l’abîme”) à la suite du Père Libby et de ses enquêteurs dans différentes ambiances. Qu’est-ce que Mortis ? Huis-clos, drame familial ou enquête policière confrontée à une machination diabolique, elle maîtrise les codes d’un genre sublimé par Lovecraft, Bram Stoker ou Thomas Harris.

Mortis est presque autant une bande dessinée qu’un objet littéraire, puisque des pages de texte viennent s’intercaler entre les différentes parties de l’histoire. Ce n’est pas gratuit. Tout comme l’addendum en fin du livre, ces apports renforcent la profondeur de l’univers, sa cohérence, ses personnages et amènent des explications sur les signes cabalistiques, sur les sphères, “sur la nature occulte et secrète du Maître, dans toutes ses manifestations et incarnations à travers les éons”.

Citations d’auteurs, de Cioran à Beaudelaire, de Lovecraft à Bowie, thématiques philosophiques, Ferrada convoque une flopée de concepts et d’idées pour faire s’incarner une histoire originale. Ce qui font de Mortis, l’éternel retour un objet à l’érudition certaine. Mais nul besoin de connaître ces références pour se délecter, pour plonger dans un univers particulier.

Publiée en 2011 au Chili, cette BD a valu à Miguel Ferrada d’être nommé dans la catégorie du meilleur scénariste au festival international de la BD de Santiago. Et on le comprend.

Mais l’œuvre n’aurait pas été la même sans les dessins réalistes d’Italo Ahumada, en noir et blanc tantôt vaporeux, tantôt chirurgicaux, collants parfaitement à l’ambiance. Une force se dégage de ces illustrations où le dessinateur maîtrise aussi bien l’architecture que les personnages, les formes cabalistiques que les écorchés.

L’univers de Mortis m’était inconnu jusqu’à ma plongée dans cette BD. A l’origine, cette création de Juan Marino et Eva Martinic a d’abord été déclinée en théâtre radiophonique dans les années 1940, plongeant ses auditeurs dans l’effroi, avant d’être déclinée en bandes dessinées, émissions de télévisions puis romans. 80 ans plus tard, Ferrada et Ahumada ont de manière éclatante réussi leur invocation. Mortis est bel et bien de retour.

Par Geoffrey, le 17 novembre 2023

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