Nam-Bok

En chaque bidarka qui se rapproche de l’île, la vieille Bask-Wah-Wen croit voir la silhouette de son fils Nam-Bok, parti jadis chasser le phoque et que tous pensent mort en mer !
Mais ce matin, cet inconnu qui rame vers la rive est bel et bien Nam-Bok, de retour parmi les siens, après de longues années passées à parcourir le monde. Il a changé, il a vu des choses qu’il ne soupçonnait pas jusque là, des "grands canoës énormes" qu’on appelle "goélettes", et qui peuvent aller "contre le vent", ou les vapeurs qui sont en fer, mais ne coulent pas, l’argent qui lui permet d’acheter des choses. Puis ce monstre de fer, nourri avec des pierres et de l’eau et qui crache du feu. Et ce village, "le plus grand de tous", où "les toits des maisons montaient jusqu’aux étoiles"…
Néanmoins, progressivement, sa tribu s’effraie de ces histoires complètement improbables… Nam-Bok est il bien l’homme qu’il prétend être ou son ombre revenue pour les perturber ?

Par fredgri, le 16 mars 2017

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Notre avis sur Nam-Bok

Cette nouvelle de Jack London, ici magnifiquement adaptée par Thierry Martin, nous présente une sorte de choc des civilisations.

Un homme qui a quitté sa tribu depuis des années revient vers les siens et entreprend de leur raconter ses aventures dans le monde civilisé. Évidemment, la rupture est franche. Ces hommes et ces femmes sont complètement coupés du monde qu’ils ne connaissent absolument pas, leur vie c’est cette île, ses rives, la chasse aux phoques, la pèche et ces bidarkas (leur canoé) qui leur permettent de rejoindre occasionnellement l’autre rive. Dans ce cas là, il est bien évidemment inconcevable d’imaginer un monde plus complexe, qui ne correspond pas, à la fois, aux dimensions modestes de leur quotidien, mais surtout à la conception qu’ils ont de ce qui les entoure.
Après tout, pourquoi le fer ne coulerait il soudain pas ? Comment un bateau pourrait-il simplement être plus grand que leurs petites bidarkas ? Est-il vraiment possible qu’un village soit si grand que le prétend Nam-Bok ?

L’envie d’aventure nait principalement de la curiosité, de l’envie de découvrir ce qu’il y a au delà de son propre horizon. Les villageois parmi lesquels a grandi Nam-Bok n’ont aucune envie d’aller voir ce qui peut bien se trouver au delà des vagues de l’océan, peut-être même s’imaginent ils qu’il n’y a rien à voir, que cet au-delà est dangereux, effrayant. Ce que leur décrit Nam-Bok dépasse leur imagination, il ne comprennent pas ce monde complètement fantasque fait d’immensité, d’une vérité qui ne les intéresse pas, qui ne leur parle pas le moindre du monde.
Persuadé d’améliorer le quotidien de ses amis, Nam-Bok ne comprend pas qu’il ne fait déjà plus parti du même "univers" qu’eux. Celui qu’il perçoit dorénavant est plus vaste, plus complexe et plus abstrait, il amène l’idée d’un monde qui s’étend au delà de notre compréhension, qui ne se limite plus aux gestes que l’on répète, dans ce village isolé… Mais il amène aussi l’idée de vouloir en avoir plus, de ne plus simplement se contenter de ce qui nous est propre, accessible, immédiat, de ne plus se contenter de ce que l’on a !

Cette très belle fable, presque voltairienne, se lit savoureusement. Thierry Martin aère agréablement son récit, avec un dessin épuré mais toujours magnifique ! On arrive en même temps que Nam-Bok sur son île natale et on est le témoin, petit à petit de cette incompréhension, des doutes qui émergent ! C’est très habilement mené, l’album se dévore d’une traite, avec délice !

Une très très belle découverte.

Vivement conseillé !

Par FredGri, le 16 mars 2017

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