Nocturnes

 
Ils sont plusieurs et ils se connaissent assez bien, habitant non loin les uns des autres dans leur petit coin de campagne. Ils sont proches comme peuvent l’être de bons voisins, attentionnés lorsqu’il y a lieu de prendre des nouvelles de l’un ou de l’autre, ce qui est le cas dans la période de malaise qu’ils vivent… Mais leur osmose s’explique aussi par leur statut, tous étant en réalité les personnages d’une fiction que leur auteur, un homme en chair et en os au seuil de la mort, tend à délaisser car ne pouvant plus leur accorder le temps qu’il faudrait et les laissant donc désemparés devant l’angoisse d’une mort précoce qui interviendrait en même temps que celle de leur "animateur"…
 

Par sylvestre, le 10 janvier 2012

Notre avis sur Nocturnes

 
Bienvenue dans Nocturnes, une réalisation originale signée Clarke qu’on comparera tout d’abord à Luna Almaden (un autre de ses titres au dessin réaliste) avant de le classer "à part"… pour son concept.

Oui, le dessin est réaliste dans Nocturnes, mais il est assez épuré dans son genre, que ce soit au niveau des sujets ou au niveau des décors. En cela, on comprend au fur et à mesure de la lecture qu’il est un style idéal pour "l’exercice scénaristique" puisque étant sensés évoluer dans un cadre décrit par un auteur de livres, donc dans un cadre "limité" par le nombre de mots qui en assurent la description, les personnages ne peuvent pas – en quelques sortes – être entourés de décors trop détaillés. Ainsi le récit se déroule dans un village, mais on a l’impression que rien n’existe au-delà. Les maisons sont représentées de manière réaliste, mais sans fourmiller de détails. Les personnages sont nombreux, mais semblent n’être qu’un microcosme. Etc… Comme si tout se déroulait sur un territoire isolé, circonscrit…

Ce qui est le cas, finalement. Oui, les personnages que l’on voit évoluer sont des personnages de fiction : on voit, illustré, le texte qu’écrit un homme. Sauf que cet homme est mourant, qu’il va donc devoir abandonner, contraint, ses personnages, ce que ces derniers redoutent et ce qui les fait se révolter !

Cette idée qui donne au scénario son originalité assure aussi celle du graphisme. Car en plus du côté épuré du dessin dont je parlais plus haut, ce style qu’a Clarke fait tendre la réalité des personnages en un spectacle de fiction qui ne les choque pas plus que ça, comme par exemple lorsqu’on voit ces maisons disloquées et bordées par des extrusions rappelant ces triangulations qu’on peut faire lorsqu’on modélise des terrains par ordinateur ou des erreurs de 3D distordant des lignes en les tendant vers des points très éloignés (voir l’extrait)…

Nocturnes vaut le détour pour ces originalités. Mais en plus d’être une histoire usant de tout cela pour se faire différente et donc intéressante, elle est également un drame qui se joue dans la "vraie vie" puisque l’auteur de l’histoire que l’on lit est très malade, au seuil de la mort. Et comme c’est un récit en partie autobiographique qu’il rédige, certains personnages de la "fiction" se retrouvent dans la réalité où ils sont aussi les éléments d’une histoire vraie… et pas banale !

Cette chronique pourra paraître un peu fouillis, je le conçois. C’est difficile de dire en quelques lignes ce qu’on comprend après plusieurs pages, voire plusieurs dizaines de pages, dans la bande dessinée. Le meilleur conseil que j’aurais donc à vous donner, c’est de partir à la découverte de Nocturnes à votre tour, et d’en comprendre à votre tour les rouages, et non pas la complexité, mais plutôt la grande et bienvenue richesse !
 

Par Sylvestre, le 10 janvier 2012

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