Noir Tango

Dans une Argentine où le clivage entre riches et pauvres est profondément ancré, où les propriétaires terriens, véritables seigneurs, vivent dans le luxe et les pauvres dans des bicoques misérables, des "mauvais quartiers", où se mélangent la sueur et l’alcool, une seule chose peut gommer ce qui ressemble fort à un système de castes : le tango.
Tango que l’on pourrait écrire avec un T majuscule car cette danse s’est élevée au niveau de l’art, véritable phénomène culturel, passion et langage du corps qui efface les différences sociales, puisqu’il suffit de "montrer de véritables talents de danseur et du savoir vivre pour et le simple hombre peut tenir dans ses bras la plus élégante des filles".
Miguel est de ces hommes issus de classe pauvre, danseur hors pair et véritable maestro du Tango, il a fait chavirer le cœur d’Isabella qui l’a épousé.
Mais rien n’est idyllique car une fois sortis de la piste de danse, l’osmose ne fonctionne plus.

Par olivier, le 20 septembre 2009

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Notre avis sur Noir Tango

Le Tango nous est dépeint par Michael Monnin comme une institution, un art capable d’aplanir les différences sociales pour peu que l’on montre un talent exceptionnel pour cette danse. C’est ce qui est arrivé, poussé à l’extrême, à Miguel, puisqu’il a épousé Isabella, fille du très riche propriétaire terrien Ramon Sandoval.
Malgré tout, Miguel, même s’il se réclame de la famille Sandoval, ne s’y intègre pas, c’est un homme simple, un marin, beau, mais "loco". Bagarreur et porté sur la boisson.
Mais pourquoi Isabella l’a-t-elle épousé ? Subjuguée et entièrement conquise par ce danseur de génie, elle aurait pu le garder comme cavalier ou en faire son amant. Est-ce en réaction sa famille, à son frère et peut-être surtout à son père, qui règne en maître absolu sur ses terres et ses paysans selon un modèle féodal mâtiné de pratiques mafieuses ? Son père, défenseur à sa manière, violente, sans miséricorde ni pitié, de ce qu’il appelle "l’ordre naturel des choses" qui le place en haut de l’échelle sociale, avec le pouvoir que confère l’argent et devant qui se courbent les politiciens par crainte ou cupidité.
Noir Tango est un drame familial en même temps qu’un drame de la société. Devant ce qui apparait comme une mésalliance, le père et le fils Sandoval veulent régler le problème à leur manière, forte, brutale. La vie ne peut pas être une danse, et dans cette grande famille, dirigée d’une main de fer par le patriarche, le père d’Isabella, l’intrusion de Miguel est une .maladie qu’il faut éradiquer. Si Isabella ne veut pas le quitter, il faut couper la branche malade.
Toute cette violence, cette tension, qu’elle soit latente ou qu’elle explose, est enveloppée dans un dessin expressif aux couleurs très douces. Les sentiments : l’amour, la souffrance, le plaisir et la haine se révèlent dans les visages, dans les postures. Prenez Miguel qui fait chavirer le cœur des dames, il émane de sa personne une beauté animale, un appel physique au plaisir charnel.
Le dessinateur, Philibert, nous offre des cases très sensuelles, sur les scènes de bal ce sont de véritables tableaux où la musique est palpable, presque vivante. Ecoutez le dessin, il vibre au rythme du Tango.
Ce dessin si particulier, tout en rondeur et en élasticité qui donne aux danseurs une légèreté absolue, aux antipodes de cette histoire oppressante à l’atmosphère lourde
Noir Tango : un album noir comme la haine, la peur et la souffrance, rouge comme la vie l’amour et le plaisir dont la couverture est une brillante ellipse.

Par Olivier, le 20 septembre 2009

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