Page Noire

Kerry Stevens est une jeune critique littéraire pour le réputé Tales & Writers et décide de se lancer seule à la recherche d’un célèbre mais énigmatique écrivain, Carson Mc Neal, dans le but de réaliser le scoop de sa première interview. Par là elle espère accéder à la célébrité et ainsi remonter dans l’estime de son père aujourd’hui mourant…
En parallèle, Afia Maadour sort de prison et tente de reconstruire sa vie mais elle est toujours hantée par des cauchemars en rapport avec son enfance, traumatisée par la guerre en Palestine…

Par melville, le 27 août 2010

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Notre avis sur Page Noire

Page Noire fait partie de ces bandes dessinées qui ont un propos « classique » mais une façon de l’aborder qui ne l’est finalement pas tant que cela. Denis Lapiere, Frank Giroud et Ralph Meyer ont réussi ensemble à nous offrir le tour de force d’un récit où les bédéphiles comme les lecteurs moins aguerris trouveront un réel plaisir de lecture.

Frank Giroud et Denis Lapiere mettent en scène leur récit sous la forme de deux histoires au départ indépendantes mais qui bien entendu sont liées. Mais quel est vraiment la nature de ce lien ? Voilà une question qui fonde un des points forts de ce roman graphique. Au fil des pages le doute s’immisce puis s’installe pour de bon : est-ce que tout ceci est bien réel ? L’une des deux histoires ne serait-elle pas le fruit de l’imagination des personnages de l’autre ? Quelle place accorder à une dimension fantastique, en a-t-elle même seulement une ? Les deux auteurs s’amusent à mettre en place leur intrigue avec astuce et malice : terrible… Mais au-delà de cet aspect thriller, Giroud et Lapiere construisent une « vraie » histoire qui a de l’épaisseur, ils apportent un soin tout particulier à l’humanité de leurs personnages et distillent des atmosphères riches et marquées.

Un autre point fort réside dans l’approche et le traitement scénaristique et graphique de ces deux histoires. New York d’un côté pour le thriller, l’intrigue, avec Kerry Stevens, la jeune critique littéraire qui décide de mener sa propre enquête pour retrouver et interviewer le célèbre mais très énigmatique écrivain Carson Mc Neal. Et la France de l’autre où l’aspect « humain », « social », est davantage développé à travers le personnage d’Afia et ses doutes, ses peurs. Ces clivages sont assez nets – tout du moins au début – et renforcés par le dessin de Ralph Meyer.
Deux histoires, deux styles graphiques complètement différents. L’aspect « thriller » est traité avec un dessin semi-réaliste épaulé par une mise en couleur froide dans les tons de bleus de Caroline Delabie, de quoi nous plonger encore davantage dans le genre. Tandis que la partie relevant plus de la « chronique sociale » est mise en couleurs à la peinture dans des tons chauds d’ocres et d’oranges. S’opposent ainsi la rigueur et la détermination – soulignées par un dessin encré – de Kerry Stevens à la fuite d’Afia Maadour, mise en évidence par un aspect général plus « flou ».

Mais plus l’intrigue générale du récit progresse et plus ces frontières s’estompent, les deux histoires se mêlent et se démêlent, tour à tour elles se fondent graphiquement l’une dans l’autre… Ce qui fait tout le charme de cette bande dessinée c’est la force et l’audace de cette mise en scène.

Page Noire est donc un livre atypique, captivant et « intelligent » dans la conclusion de son propos. Une très belle surprise à lire sans faute.

Par melville, le 27 août 2010

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