PARTAGE DES SENS (LE)
Le pouvoir

Dix planches muettes se succèdent au début de cet album. On pourrait trouver ça dommage en se disant que la lecture n’en sera que plus rapide, mais je dois dire que le titre de la série, Le partage des sens, m’a poussé au contraire à les parcourir lentement. En effet, je me suis demandé si, d’entrée, les auteurs ne jouaient pas sur les mots en essayant d’éveiller nos sens par ces planches d’introduction, s’ils n’avaient pas glissé des indices qui nous aideraient par la suite…

Ces dix planches nous font faire la connaissance de John Carter, le héros aux airs de l’Arthis du premier cycle de la Balade au bout du monde : jeune, barbe de trois jours, photographe… Et nous mettent dans l’ambiance sans toutefois nous en dévoiler trop : Monica est morte et John a "la haine". Mais que s’est-il vraiment passé ? Pourquoi ? De cela, nous ne saurons trop rien dans ce premier tome.

Puis un épisode londonien fait le point sur l’historique de ce qui liait les deux personnages avant de raccompagner le héros là où drame s’est joué, sur une petite île italienne, dans le village de Fermo. Aller-retour qui ne dévoilera toujours rien du secret mais qui aura contribué à nous rapprocher des personnages.

Quand la journaliste frappera à la porte de John, des éléments viendront enfin commencer à nous éclairer : John aurait un sixième sens, un don de prémonition. Et s’il "on" lui reconnaît en avoir fait usage (pour une bonne cause, en plus), l’intéressé restera modeste quant à ce don. Ce qui fait d’ailleurs de lui un héros sympathique : ses créateurs n’ont pas commencé leur série en faisant de John un super-héros et si on comprend comment il a usé de son don de voyance (en retrouvant une personne qui serait morte si elle n’avait pas été retrouvée puis secourue), aucun flashback ni aucune vignette ne met en scène l’événement.

L’histoire aura donc mis un certain temps à nous toucher mot de ce qui fait l’extraordinaire de son héros, mais ce temps à obtenir l’information semble avoir été pesé et ne dessert pas, au contraire, la curiosité du lecteur et son envie d’en savoir plus. Surtout que ce don de prémonition peut valoir de beaux rebondissements si le scénariste sait s’en servir ! Surtout aussi qu’après en avoir appris tant sur feue Monica, on veut obligatoirement en savoir plus sur les conditions de son décès et sur le rôle que John a pu jouer, volontairement ou non, dans le drame…

Ce tome 1 du Partage des sens promet donc une très intéressante aventure. Après, s’il fallait lui trouver des défauts, c’est dans le dessin qu’on les trouverait. Pas tant des défauts de conception, car c’est un dessin réaliste très honorable, mais on sent bien que c’est un style « jeune » dont les couleurs malheureusement un peu trop flashy ne lui donnent pas l’air de coup de crayon plus mûr dont on aurait souhaité profiter.

Il n’empêche que ce tome 1 a été une très bonne (même si tardive) découverte. Le problème, et je n’ai pas le don de John pour savoir si les lecteurs auront satisfaction, c’est qu’il est sorti voilà presque 7 ans maintenant (à la date de cet avis) et que le second tome ne semble pas vouloir se montrer… Dommage. J’en reste l’eau à la bouche…
 

Par Sylvestre, le 21 décembre 2007