PHILEMON, L'INTÉGRALE
Tomes 1 à 5

Je lisais les aventures, dans le désordre, de Philémon, quand j’étais ado. je me souviens avoir été fasciné par cet univers entre l’onirisme d’une Alice aux pays des merveille et le délire façon les Monty Python. Il y avait vraiment quelque chose qui m’échappait mais que je trouvait incroyablement touchante. J’entrais de plein fouet dans le regard plein de poésie, d’émerveillement de ce très grand artiste qu’est Fred.

En relisant ce premier volume, j’ai soudain retrouvé ce bonheur de lecture et j’ai dévoré d’une traite ces quelques 250 pages.
Ce qui est tout de suite incroyable, c’est la capacité qu’a Fred a nous emmener dans des mondes complètement absurdes, tout en rajoutant une vision pleine de sensibilité (comme cette île recouverte d’une pelouse bleue ou il est à la fois interdit de marcher mais aussi de rebondir, ou les habitants ont des ailes de papillon, ou les prisons sont des zèbres vides etc. Et c’est justement dans ce foisonnement d’idée que cette série trouve toute sa richesse et toute sa profondeur. Car, voilà, c’est bourré d’idées extraordinaires, dès le début !

Fred n’est donc plus seulement un auteur de BD, mais il devient vite un véritable poète qui transcende son univers avec tout un tas d’idées géniales, et Philémon représente bien la quintessence du travail de l’artiste. Le jeune homme devient en quelque sorte son double rêveur, Barthélemy reste ce joyeux sauvage qui aimerait revenir dans ce monde passionnant, complètement improbable ou il fait si bon rêver. Alors que le père de Philémon demeure l’incorrigible sceptique, profondément enfouit en nous, qui nous maintient à la surface, loin de cette part de folie douce et onirique.

Ce premier volume nous fait donc rencontrer ce jeune homme lunaire qui découvre que le monde qui l’entoure peut receler, si on a bien l’œil, de mille et un tours de magie. Il garde encore son innocence et accepte de partir à l’aventure sans crier gare, d’autant que la moindre surprise qui se présente, finalement, remet en cause la notion même de réalité. Malgré tout, même si on est dans un registre absurde, il règne dans cet "autre monde" une certaine logique indéniable, d’autant que le fond permet aussi d’amener un regard sur notre propre monde. La dernière histoire, dans ce monde ou le souffleurs vivent par troupeaux, ou les acteurs vivent sur des bateaux théâtre qui peuvent être coulés si la critique est trop dure, est particulièrement significative. On sent bien l’artiste qui garde un œil sur le monde contemporain, qui a longtemps travaillé dans la caricature, mais qui reste ce rêveur qui reconstruit la réalité selon ses délires.
On est en pleine écriture libre, l’auteur laisse sa plume prendre le dessus, il suit son inspiration au fur et à mesure et le lecteur se retrouve, à son tour, en train de nager entre deux lettres.

En même temps que ce premier volume (qui sort avec les deux autres, à la même date) Dargaud nous a aussi concocté une très intéressante monographie de Fred. Alors, profitez en pour vous laisser entraîner dans cet incroyable voyage, en tenant la main de ce très grand artiste !

Par FredGri, le 2 mars 2011