POISON CITY
Volume 1

Mikio Hibino est heureux. A 32 ans, il va être publié dans un des plus grands magazines de manga. Son nouveau projet, « Dark Walker », a séduit l’éditeur. Il s’agit d’un manga d’horreur ultra réaliste dans lequel sévit un virus qui rend les malades cannibales.

Mais son responsable éditorial lui conseille quelques modifications dans le scénario. Il a peur que certains aspects heurtent la commission de censure. Cette commission a, en effet, de plus en plus de pouvoirs. Une vague de puritanisme déferle sur le Japon à l’approche des Jeux Olympiques qui vont s’y dérouler. Cinéma, peinture, sculpture, bande dessinée, aucune forme d’art, aucun type de média n’échappent à la censure.

Pourtant, malgré leur prudence et nombre de compromis dans le scénario, Hibino et son éditeur vont déclencher les foudres de la commission d’experts chargée de désigner les livres dits « nocifs ».

Par legoffe, le 18 avril 2015

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Notre avis sur POISON CITY #1 – Volume 1

L’auteur de Manhole et de Prophecy livre ici un manga très personnel. A travers ce récit, il dénonce la censure qui sévit de plus en plus au Japon. Il en a été lui même victime pour Manhole, non pas au niveau national, mais uniquement dans le département de Nagasaki où son livre a été classé comme « oeuvre nocive pour les mineurs ». Car, contrairement à l’histoire qui nous est contée ici, où les livres sont soumis à une commission nationale, le vrai Japon laisse actuellement chacun de ses départements juger de ce qui est nocif ou non pour la jeunesse.

Tetsuya Tsutsui, à travers Hibino, décrit donc les méfaits de cette censure qui altère finalement l’intégrité des oeuvres des auteurs. Dès lors, faut-il se plier au formatage national et garantir ses revenus, ou bien rester maître de son oeuvre au risque de ne plus pouvoir vendre qu’à des adultes sur des réseaux de distribution secondaires ?

L’auteur s’interroge aussi sur ce qui peut justifier cette censure. Au fur et à mesure que nous avançons dans la lecture, nous ne pouvons qu’être stupéfaits par ces classements aux méthodes discutables et par la fragilité de la liberté d’expression. Si nous ne vivons pas la même chose en France, le sujet n’en est pas moins d’actualité chez nous. On pense, bien sûr, en premier lieu à Charlie Hebdo et aux débats qui s’en sont suivis à propos de la frontière entre caricatures et respect des religions.

Tsutsui rappelle aussi dans cet ouvrage que le phénomène de la censure a frappé les comics, aux Etats-Unis, à partir des années 1950. Pour lui, cela a compromis le développement de la BD US.

Le talent de conteur du mangaka est remarquable, comme toujours. Ce qui aurait pu être un livre didactique sur le droit d’expression prend une autre dimension entre les mains de Tsutsui. L’évolution de la situation de Mikio Hibino et de son éditeur prend des airs de récit à suspense. A chaque étape de « Dark Walker » son lot de surprises. Le lecteur n’a alors qu’une envie, savoir comment tout cela va finir.

L’auteur a aussi trouvé une manière très habile d’illustrer ses propos concernant la censure. Il le fait à travers les planches du mangaka fictif, Hibino. Outre leur rôle « d’exemples », elles rythment les chapitres et apportent de la variété au livre.

Les dessins de Tsutsui sont de qualité. Certains sont même très aboutis et détaillés, particulièrement ceux du récit « Dark Walker ».

J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre qui est un manifeste sur la liberté d’expression autant qu’une occasion de plonger dans les coulisses du monde des mangas et ce d’une manière très différente de Bakuman, pour ne citer que celui-là.

Un récit haletant et engagé à ne pas manquer !

Par Legoffe, le 18 avril 2015

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