Pyongyang Parano. Deux journalistes infiltrés en Corée du Nord

Basée sur une expérience réelle qui a mené le journaliste Antoine Dreyfus à prétendre être un négociant en chocolat pour pouvoir voyager dans le « royaume ermite » autrement que comme un touriste contraint, la bande dessinée Pyongyang Parano nous invite dans les rangs d’une délégation étrangère en partance pour Pyongyang (la capitale de la Corée du Nord) dont les fictifs Alex et Marise ont fait partie.
Si les trois premiers jours de leur très court et très coûteux voyage ont finalement et à leur grand dam ressemblé en tout point au circuit touristique officiel qu’expérimentent tous les candidats au voyage en Corée du Nord, la fin de leur séjour a effectivement permis à Alex et Marise « négociants professionnels en chocolat » et à quelques homologues représentant des secteurs commerciaux ou industriels différents de rencontrer des interlocuteurs locaux et d’ainsi vivre autrement que le touriste lambda leur parenthèse nord-coréenne.
Organisé par un Espagnol acoquiné avec le régime de Pyongyang, le voyage de nos deux héros prend des airs de cauchemar de plus en plus grand au fil des jours : à cause de la surveillance exercée sur eux, à cause des interdictions d’entrer en contact avec les gens ou de photographier à loisir, à cause du stress administratif ; comme tout touriste là-bas… A cause aussi du sentiment paranoïaque qui s’est installé et a grandi entre les participants même de leur groupe de visiteurs ! Mais également parce que la qualité des échanges qu’en tant que professionnels ils étaient en droit d’attendre n’était pas au rendez-vous. Dans un pays qui est partout à la ramasse parce que chaque centime part dans l’armement ou dans la poche du dictateur, pas étonnant que les entreprises nationales soient à la traîne…
Bref, d’un côté : beaucoup de frustration pour nos pseudo-chocolatiers mais une frustration aussi forte que l’excitation, au retour, « d’en être revenus », d’avoir pu se rendre un peu compte des choses par eux-mêmes, d’avoir vécu des situations qu’en qualité de journalistes infiltrés ils sauront quoi faire…
Et de l’autre côté : la joie, pour le pays hôte, d’avoir saigné quelques candides prétendants à l’évolution des relations commerciales franco-coréennes !
Avec un dessin assez simple (qui en son genre peut classer Pyongyang Parano dans la famille du Pyongyang de Guy Delisle) et en couleur, cette BD pleine d’un « humour angoissé » est une agréable friandise pour tout lecteur intéressé par cet intrigant pays qu’est la Corée du Nord. On y sort peut-être un peu moins des sentiers battus qu’avec les BD de Oh Yeong-Jin et on y revoit une fois encore certains grands classiques (touristiques) du genre mais on y trouve quand même aussi et par bonheur quelques éléments nouveaux participant à compléter notre vision étriquée de ce pays très fermé.
A lire !
(Et si le voyage à Pyongyang n’est pas à la portée de tout le monde, en plus de cette bande dessinée, au moins, il nous restera le chocolat !) 😉

Par Sylvestre, le 12 décembre 2024