Qui a tué l'idiot ?

Lucien Lurette, un comédien raté débarque plus ou moins par hasard dans un village reculé (il paraitrait que les falaises sont très belles et donnent de l’inspiration). Mais il se rendra immédiatement compte qu’il ne s’agit pas vraiment du parfait petit patelin bien paisible, oh ça non ! Un tueur en série fait des ravages et tue un à un les villageois… De plus, une épidémie de remordingue, une maladie contagieuse liée à tous ces meurtres n’est pas là pour arranger les choses. Malgré des débuts difficiles, notre acteur est plutôt bien accueillis et commence plus ou moins consciemment à mener l’enquête (il aimerait au moins comprendre ce qui se passe) : tout a commencé avec le meurtre de l’idiot, l’idiot du village !

Par Placido, le 26 septembre 2010

Notre avis sur Qui a tué l’idiot ?

Nicolas Dumontheuil est un auteur que j’admire énormément. Je l’avais découvert avec Bigfoot, ce western complètement déjanté et jouissif, puis avec Le Landais Volant, un récit atypique bourré d’humour. Mais c’est à travers ce Qui a tué l’idiot?, véritable chef d’œuvre de l’absurde, que l’on peut mesurer tout le talent de cet auteur. Profitons alors pleinement de la réédition de chez Casterman, pour découvrir ou redécouvrir cette BD qui avait reçu à Angoulême en 1997 le prix Alph’art du meilleur album.

L’absurde, voilà la première chose qui frappe instantanément. Tout ! Absolument tout dans cette histoire est complètement improbable : le village, la façon de vivre des gens du village, ce que racontent les gens du village, ce que font les gens du village, ce que font les enfants des gens du village (bref, vous aurez compris)… Si bien que le début de lecture (rien que les deux premières pages) est plutôt désappointant : entre rencontrer des gosses qui crucifient un chien et entendre une vache parler, il y a de l’audace ! L’arrivée dans le village est assez désappointant, on arrive sur une autre planète et on a presque du mal à suivre tous ces gens qui mènent une vie de fou et qui partagent des mœurs particulièrement incompréhensibles. On se sent très vite mal à l’aise avec tout ça, tout comme notre bon vieux Lucien d’ailleurs et il se dégage alors de cet album une atmosphère bien particulière.

Mais toute cette atmosphère justement, on l’a doit à un travail des dialogues de haute qualité, illustrés par des personnages extrêmement bien réussis. Entre un M’sieur Le Comte, très théâtral, beau parleur (et plus ou moins malhonnête) qui se positionne en Chef de Village, le Curé alcoolique et désespéré par ces sujets (dont il semble avoir une piètre opinion), le Colporteur (qui fait payé les rumeurs fausses, mais c’est gratis pour la vérité !) manipulateur et qui respire une folie malsaine et puis ces gens, insensibles à toutes abominations, bêtes et méchants mais qui ne s’en rendent pas compte… Lucien Lurette se retrouve alors être une véritable victime et comme lui, on aurait envie que d’une chose, se sauver loin, très loin de ces fous terriblement oppressants. On prend tout de même une petite bouffée d’air frais avec le concierge qui semble être plus raisonné que les autres et encore, il faut le dire vite… L’ambiance très pesante tient aussi beaucoup du fait d’avoir mis en scène cette histoire dans un village reculé et très isolé du monde extérieur.

Et puis au niveau de la forme aussi, Qui a tué l’idiot? s’avère être un vrai petit bijou ! Quelle maîtrise de la mise en scène ! Il n’y en a pas une de trop, tout est exactement à sa place, jusqu’au moindre petit détail. La manière d’amener les choses est superbe d’intelligence et on se délecte autant du contenu de l’histoire que de la façon dont elle évolue (aussi bien l’intrigue liée aux meurtres que la progressive révélation des sombres desseins de chacun des villageois). Les dessins, à la limite du caricatural et la colorisation (aux teintes vertes et jaunes) participe énormément à l’ambiance un peu sale de cette BD.

Petit bonus de la réédition ajouté en fin d’album : une suite alternative de quelques pages qui avait été écrites par l’auteur pour le dernier numéro du magazine A suivre.

Véritable fable fantasmagorique, Qui a tué l’idiot traite de l’absurdité des gens à travers leur naïveté, leur perversité (même s’ils ont parfois bon fond) et de leur capacité à se donner bonne conscience malgré les atrocités qu’ils commettent (la fin de l’histoire est en le parfait exemple). Une BD qui ne se lit pas forcément très facilement mais dont on ne pourrait se passer.

Le Chef d’œuvre de Nicolas Dumontheuil !

Par Placido, le 26 septembre 2010

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