Randy Shilts et la fake news du patient zéro

Randy Shilts est, en 1981, l’un des premiers journalistes ouvertement gay engagé dans un grand journal, en l’occurrence le San Francisco Chronicle. Il est alors contacté par un homme hospitalisé et souffrant du sarcome de Kaposi, un cancer de la peau extrêmement rare. Sauf que plusieurs autres personnes ont été admises dans le service pour la même maladie. Et tous sont homosexuels ! 

Randy décide de mener l’enquête. Il ne sait pas encore qu’il va être l’un des premiers à évoquer le « cancer gay », ce que l’on identifiera plus tard comme étant le… SIDA. 

Par legoffe, le 13 novembre 2024

Notre avis sur Randy Shilts et la fake news du patient zéro

Clément Xavier et Héloïse Chochois s’associent pour raconter l’histoire d’un journaliste, très connu aux Etats-Unis, mais beaucoup moins en France. On lui doit des articles qui ont défrayé la chronique lorsqu’il a voulu donner l’alerte sur la mystérieuse maladie qui frappait la communauté gay. Il sera aussi l’auteur, plus tard, d’un livre de référence sur le SIDA, considéré comme un chef d’oeuvre et pourtant non traduit en français !

La BD se focalise sur la période de la découverte de cette nouvelle maladie et sur l’enquête de Shilts, qui va prendre rapidement la mesure du danger, annonçant une hécatombe, y compris parmi ses proches. 

Si l’album raconte l’enquête journalistique, il souligne surtout la difficulté, pour Randy, de se faire entendre au sein de la rédaction. Le livre dévoile alors le subterfuge que va trouver Shilts pour « vendre » le sujet à son rédacteur en chef. Ainsi, pour donner l’alerte, il n’hésitera pas à transgresser les règles qu’il respectaient plus que tout, quitte à devenir une cible, notamment de la part des homosexuels. 

Le récit est passionnant. Randy Shilts était un sacré journaliste et un sacré personnage. Il côtoyait aussi d’autres figures extrêmement charismatiques que l’on croise au fil des pages. Ils donnent une puissance incroyable à cette BD qui, loin d’être un froid documentaire, s’avère être une aventure à la véracité effrayante. 

Les auteurs nous plongent dans les prémisses de la découverte du SIDA, mais aussi dans l’univers des gays, nombreux en Californie. Vous comprendrez d’ailleurs pourquoi en lisant l’album.

Héloïse Chochois s’est parfaitement appropriée cet univers, dans un joli style entre ligne claire et comics, pour mieux imprégner le lecteur du goût (amer ici) de l’Amérique. Ses planches ont une énergie impressionnante, grâce à ces personnages expressifs et à un jeu de couleurs savamment orchestré. Les teintes sont, au départ, éclatantes. Elles rayonnent, dans une ambiance chaleureuse et festive. Puis les couleurs vont virer au gris ou au violet, pour mieux faire ressentir le climat de plus en plus pesant du livre. Un cheminement habile, quasi naturel, réussi par Héloïse Chochois.

Ne passez pas à côté de ce récit aussi édifiant que bouleversant, qui nous raconte un raté médiatique, scientifique et politique et dont les conséquences pèsent encore aujourd’hui sur nos sociétés.

Par Legoffe, le 13 novembre 2024

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