Relation cheap

Davy et Elosterv sont tous deux auteurs de bande dessinée. Raison suffisante pour que Davy entame avec cette dernière une conversation par messagerie instantanée. Chacun devant son écran, la discussion suit son cours entre drague évidente, réflexions sur l’amour et leurs angoisses, blagues de cul et échanges de planches de BD.

Par VincentB, le 26 février 2016

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Notre avis sur Relation cheap

Quel étrange objet que ce Relation Cheap. De par le rapport des auteurs à l‘histoire, de par son thème, et de par sa forme, cet album est assez atypique.

Il s’agit d’une BD autobiographique, adapté d’un blog animé à quatre mains par les deux auteurs. L’histoire est celle de la de la relation entre Davy et Elosterv, lorsque le premier entreprend de draguer la dernière. S’ensuit une conversation typiquement 2.0, avec ses échanges aux long cours. On va ainsi assister aux conversations des deux auteurs, réciproquement intéressées par l’autre, mais qui ne se voient jamais IRL (In Real Life, littéralement dans la vraie vie), tout en étant toutes les deux parfaitement au courant que la conversation est un beau prétexte de drague. Au lecteur de chercher dans quelle mesure les échanges originaux entre les deux auteurs ont étés conservés et romancés. D’ailleurs, le 4ème de couverture, mettant en avant le besoin d’avoir un gag à la fin de chaque planche (chaque page relatant leurs échanges de message se terminera par une chute), souligne bien la scénarisation de cette romance 2.0. Ces échanges sont relatés au travers de planches assez simples et se terminant sur une chute (bien que d’autres bons mots parsèment les cases, et même jusqu’aux annotations des astérisques), et constituent un tiers de l’album. Davy est en vert, Elosterv en bleu, les deux décors sont invariablement fixes, et chaque case montre la réaction d’un personnage face au message qu’il vient de recevoir. Si les mimiques sont intéressantes et participent activement à la compréhension de l’histoire, le tout s’avère assez redondant. En effet, avoir les réactions des personnages, c’est important (d’ailleurs, les emoticons et autres emojis n’ont-ils pas étés justement créés afin de combler ce manque lors des échanges numériques ?), mais relayer une relation 2.0 aurait pu être plus variée. En effet, nul doute que lors de leurs échanges originaux, Elosterv et Davy ne se sont pas écrits uniquement depuis leurs bureaux, mais également depuis leurs ordinateurs portables, leurs téléphone et depuis divers lieux. S’il s’agit surement d’un partit prit (peut-être pour maximiser l’attention du lecteur sur les expressions faciales ? Ou alors simple héritage du blog qui a vu naitre le projet, ou ce style de planche est parfaitement justifié ?), varier les modes et lieux de conversations aurait pu apporter un peu plus de fraicheur à l’ensemble, surtout si un des objectifs était de montrer la forme que prend aujourd’hui la drague et les conversations numériques.

Heureusement, il reste deux tiers de l’album qui sortent des carcans de ce gaufrier 2×3 aux décors immuables. Puisque les deux personnages qui conversent sont auteurs, n’est-il pas naturel qu’ils s’échangent leurs planches ? Et c’est une parfaite occasion pour nous, lecteurs, de découvrir les univers plus personnels des deux auteurs à travers plusieurs histoires courtes signées tantôt Davy, tantôt Elosterv, dans des styles graphiques différents. Participant activement au thème de la BD (les relations, l’amour, le sexe, les ruptures…), elles apportent un véritable vent de fraicheur qui dynamise grandement l’ensemble. L’humour de certaines de ces histoires (principalement celles d’Elosterv) y est plus spontané que dans les planches « classiques » de l’album, tandis que celles de Davy parviendront plus à toucher le lecteur que ne le font les planches « classiques ».
Enfin, la fin de l’album, douce-amère, arrive naturellement et sans grand final digne des comédies romantiques, ce qui aurait été bien mal venu dans cette histoire. Elle rappelle simplement que toutes les histoires d’amour ne finissent pas magistralement, et répond intelligemment à certains échanges précédents que les deux auteurs ont choisis de relater. Et après tout, puisque l’histoire est autobiographique, comment pourrait-elle sonner faux ?

Autobiographique, protéiforme, tantôt drôle tantôt touchant, Relation Cheap parvient dans une certaine mesure à rendre compte de la réalité des échanges numériques, et de ce que chacun ressent derrière son écran face aux réponses de l’autre. Il ne s’agit pas non plus d’un essai sur le thème (il y manquerait beaucoup de choses) mais plus d’une tranche de vie de deux auteurs de BD, qui peuvent échanger sur leur art, sur l’amour et ses échecs, et bien sûr le sexe (notamment à travers pas mal de blagues de cul). Entre les planches où les deux personnages discutent et celles qui reprennent leurs histoires courtes, le tout est assez bien rythmé et se lit très agréablement. Lors de leurs échanges, Davy explique à Elosterv qu’il aime bien faire rire, mais en même temps un peu pleurer. Avec cet album, le pari est réussit grâce au mélange des genres, des styles, mais surtout de la rencontre et des apports des deux auteurs.

Par VincentB, le 26 février 2016

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