Remina
Le professeur Oguro révèle au monde qu’une mystérieuse planète vient d’émerger d’un trou de ver. Il décide de lui donner le nom de sa fille, Remina. Après une phase d’enthousiasme qui voit les foules s’extasier devant cette découverte et idolâtrer la jeune fille et son père, on se rend compte que Remina se dirige vers la Terre, absorbant toutes les planètes qui se présentent sur son chemin… Bien évidemment, c’est la panique et l’adoration se transforme en haine. On estime la jeune Remina et son père désormais responsables du désastre qui s’annonce, on les poursuit, il faut les exécuter…
Par fredgri, le 21 septembre 2023
Notre avis sur Remina
Préalablement édité en 2008 chez Tonkam, nous avons droit, ici, à une réédition « Deluxe » de Remina, agrémentée, en fin de volume, par Des millions de solitaires, le petit chef d’œuvre de Junji Ito.
Avec ce volume, l’auteur nous plonge dans l’horreur d’une planète étrangère qui se dirige vers la Terre, dévorant tout sur son passage. Comme à son habitude, Ito exacerbe les sentiments et pousse le plus loin possible son idée, quitte pour cela à glisser vers l’absurde le plus délirant.
En effet, la découverte de « Remina » par le professeur Oguro, le fait qu’il ai décidé de la baptiser du nom de sa fille, tout s’entremêle dans l’esprit des gens qui vont commencer par célébrer avec enthousiasme la nouvelle et vouer un véritable culte au père et sa fille. Et dans le même mouvement, quand la menace va devenir de plus en plus concrète, ils vont se retourner contre eux, les haïr et carrément les poursuivre pour les exécuter, ni plus ni moins.
Si la démonstration reste convaincante, malgré ses élans exagérés (la poursuite finale est juste complètement dingue de chez dingue), Ito dresse le portrait d’une société sans frein qui suit les influenceurs sans se poser de question, quitte à tomber dans la violence la plus barbare, légitimant son agressivité par le fait que de toute façon, il faut absolument un responsable…
On ne peut évidemment que penser aux actualités et tous ces mouvement populaires qui condamnent, souvent avec emphase et surtout avec une bêtise alarmante, sans le moindre recul, pourvu qu’il y ai une voix plus forte pour mener le troupeau…
Néanmoins, c’est aussi pour Junji Ito le moyen d’animer des scènes d’horreur pure, comme lorsque la langue de la planète vivante vient lécher la surface du globe, détruisant des villes entières, avec des milliers de corps qui volent en éclat, partout. L’angoisse du corps céleste étranger qui, sans explication, ni remord, vient s’attaquer à la Terre. Ici, plus question de petits hommes verts qui viennent nous envahir, ni de reptiliens qui prennent petit à petit la place de nos dirigeants, tout est brutal, sans âme. Veni, vidi, vici.
Mais plus que les faits eux même, ce qui est marquant, c’est l’acharnement violent qui va s’abattre sur la jeune Remina, qui n’est responsable de rien, même pas que son nom ai servi à baptiser cette monstrueuse planète. Sa fuite, aidée par les uns et les autres, devient alors le centre du scénario et nous offre quelques moments de folie populaire pure ou la foule la poursuit, même dans les égouts, vient tirer sur les fenêtres de son appartement, ou carrément la suit dans les airs comme une nuée néfaste, tandis que les mouvements de la Terre s’accélèrent…
Remina reste un manga très à part, sans absolument aucun compromis. Ca va très loin, peut-être un peu trop, mais qu’importe, la démonstration est en effet très efficace dans ce qu’elle révèle sur notre société et ses travers.
Une œuvre qui interpelle.
Par FredGri, le 21 septembre 2023