RENAUD, né sous le signe de l'Hexagone

C’est jalonnée de courts intermèdes autobiographiques mettant en scène le dessinateur, fan du chanteur Renaud Séchan, que l’histoire de ce dernier nous est généreusement contée, chapitrée au gré des vents politiques, familiaux ou artistiques qui ont brinqueballé l’artiste entre moments de grâce et de déconfiture.

Par sylvestre, le 27 octobre 2023

Publicité

Notre avis sur RENAUD, né sous le signe de l’Hexagone

Enfant d’une fratrie de six bercée par les notes de Brassens, Renaud est un Titi parisien qui, très vite, imprégné des opinions politiques familiales et sensible à la morosité de la jeunesse banlieusarde, a eu la contestation comme moteur.

Renaud se destinait à être acteur et il côtoyait des gus dont les noms allaient marquer le paysage culturel français mais il poussait aussi la chansonnette, et, porté par la popularité de certaines d’entre elles, celui qui ne rencontrait guère de succès dans les castings se laissa prendre la main par son destin de star de la musique.

Ses premiers titres bousculèrent les foules par leur degré d’engagement et leur ton rentre-dedans. Renaud conquit-il ainsi très vite Paris et sa banlieue. Les propositions se succédèrent ensuite et l’ambassadeur des loubards et des anti-bourgeois qu’il campait finit par séduire un public beaucoup plus large, à l’échelle nationale.

Le chemin ne fut pas dénué d’embûches et moult complications personnelles se télescopèrent avec sa vie artistique. Au point que plusieurs fois il lâcha tout. Mais chaque fois, ses éloignements firent long feu et lui fournirent l’inspiration.

Renaud écrivait très vite. On pourrait même dire qu’il n’écrivait pas vraiment : il « pondait » ses humeurs du moment qui, gorgées d’authenticité et d’honnêteté, débouchaient sur des titres qui fonctionnaient du tonnerre ! Et ce dans tous les registres : dans le politique et dans le social (ses fers de lance) mais aussi dans l’amitié et l’amour, ce qui a solidement contribué à élargir son fan-club !

Avec le succès, les opportunités se sont enchaînées mais la pression montait en flèche aussi. Deux séjours en terres communistes (en URSS et à Cuba) où Renaud aurait dû se sentir en terrain conquis l’ont notamment très fortement marqué ; mais dans le mauvais sens du terme. L’artiste y expérimenta en effet l’amertume de la tromperie à grande échelle et c’est ainsi qu’il a pu mieux comprendre certaines trahisons politiques qui à ses yeux, quand il était plus jeune, jetaient l’opprobre sur certains membres de sa propre famille. Ces séjours sous les drapeaux dont le rouge n’était pas exactement le même que celui des fanions qu’agitaient les communistes français l’ont en outre rendu infiniment et maladivement paranoïaque… Assez pour que sa vie personnelle en pâtisse, qu’il sombre dans l’alcool et la dépression puis qu’il termine sa carrière comme une icône que des fans soutiennent tant qu’il est encore vivant plutôt que comme une star qui lève encore les foules.

Le scénariste de cette biographie, le journaliste Bertrand Dicale, compte sûrement parmi ceux qui pouvaient nous parler le mieux du grand Renaud. En expert spécialiste de la chanson française autant qu’en fan fébrile, il nous livre avec la collaboration du dessinateur Alain (« Gaston ») Rémy un récit sans concession qui, tour à tour, salue ou écorne le pigeon chieur devenu vieux phoenix. Cette BD Renaud, né sous le signe de l’Hexagone, est très intéressante en cela qu’y alternent le rabattu et du moins connu, le public et le personnel ; et c’est au long de près de 300 pages (waouh !) qu’on plonge dans la lecture de cette aventure (!) qu’on prend plaisir redécouvrir dans le regard de passionnés. Si l’exposé est complet, on donnera par contre une note moins bonne au dessin : plus enthousiaste et spontané que précis ou joli, il fait le job mais sans être idéalement à la hauteur du phénomène Renaud.

Des destinées comme celles de Renaud (qu’on l’adule ou qu’on ne puisse pas le supporter), sont de celles qui forcent un certain respect voire de l’admiration et à l’aune desquelles on mesure combien certains artistes ont marqué leur temps et les gens. Au point peut-être, osons le dire, d’être devenus des parts de patrimoine. Avec cette bande dessinée, c’est un bel hommage de plus qui est rendu à Renaud Séchan, poil à gratter des politiques et insolent ménestrel dont l’image devenue tristement duale renforcera à terme, à n’en pas douter, la légende.

Par Sylvestre, le 27 octobre 2023

Publicité