REVOIR COMANCHE

En 1932, Vivienne Bosch, bibliothécaire et historienne, arrive dans une petite localité de la Californie profonde. A la recherche d’un certain Cole Hupp, elle finit par le retrouver dans sa maison isolée. Elle lui propose de l’interroger sur l’âge d’or du Wild West dans lequel il officiait sous le nom légendaire de Red Dust. Devant le mutisme de ce dernier, Vivienne lui présente une photo datant de l’époque du Triple 6 et lui demande s’il ne voudrait pas savoir ce qu’est devenue Comanche. Le vieil homme refuse toute discussion et devient même menaçant. La documentaliste repart tandis que Cole/Red est à nouveau pris à parti par ses fantômes. Le lendemain, en se rendant en ville, il recroise Vivienne qui, n’ayant aucune nouvelle du ranch Triple 6, lui donne l’occasion de partir pour le Wyoming. Sur les traces de son passé, Cole/Red va devoir réaliser un long voyage qui va se révéler plus dur qu’il ne pensait, entre souvenirs et nostalgies.

Par phibes, le 6 octobre 2024

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Notre avis sur REVOIR COMANCHE

Après s’être forgé une belle notoriété avec en particulier Un hiver de glace et sa trilogie Melvile, Romain Renard revient en force pour nous proposer un superbe one-shot dédié à l’œuvre de Greg et Herman, Comanche. Sans vouloir être une suite à cette saga westernienne, cet album nous transporte dans les années 30, bien loin du siècle précédent durant lequel le fameux Red Dust et sa patronne Comanche se côtoyaient.

Le récit s’ouvre sur la décision de l’ancien cow-boy, maintenant âgé, de retourner sur les lieux où il a vécu tant d’aventures et de retrouver celle qui est restée gravée dans son esprit, Comanche. Dans des élans de nostalgie bien entêtant et à la faveur de l’initiative de la bibliothécaire Vivienne, enceinte de son état, nous suivons ce curieux couple dans leurs pérégrinations à travers plusieurs Etats d’Amérique.

Certes bourru et un tant soit peu taiseux, le personnage de Red Dust évolue au fil des pages. Au contact de la sympathique Vivienne, le vieil homme, dépité par cet environnement moderne qu’il découvre et qui le dépasse désormais, est gagné par une tension interne perceptible. Par ce biais, celui-ci nous apparaît de plus en plus attachant.

Il ne fait aucun doute que Romain Renard mène son sujet avec beaucoup de subtilité et d’âpreté pour en faire une histoire crépusculaire, nimbée de remords et de regrets. L’artiste émaille le voyage de multiples péripéties au cœur desquelles la jeune Vivienne apparaît de moins en moins claire dans son objectif. C’est fort, c’est beau aussi et imparable, Red semblant ici être démystifié par son excès de sentimentalité et son côté démuni. C’est également douloureux au moment où le Triple 6 est en ligne de mire de Red qui va devoir affronter avec une certaine rudesse son passé.

La partie graphique reste en totale adéquation avec l’histoire. S’agissant d’un drame se déroulant dans les années 30, Romain Renard s’est appliqué, dans une très grande maîtrise, à le narrer dans des dispositions picturales sombres qui semblent se nourrir d’une documentation d’époque. Dans les moments où les dialogues se font rares, l’artiste les remplace par des vignettes qui versent dans la contemplation, qui mettent à l’honneur des paysages de toute beauté, à la limite de la photographie, englués dans un floutage grisé. Les personnages bénéficient aussi d’une présence extraordinaire et d’une profondeur des plus remarquables.

Un album nostalgique excellemment orchestré qui a le privilège de nous replonger dans les ambiances du ranch Triple 6 et de ceux qui l’ont animé, totalement dénaturées par les années passées. Bravo Monsieur Renard !

Par Phibes, le 6 octobre 2024

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