Rivage de la colère

En mars 1967, sur l’ile de Diego Garcia dans l’archipel des Chagos situé au cœur de l’Océan Indien, Marie-Pierre Ladouceur assiste au retour du bateau qui fait la navette avec l’ile Maurice. Son regard est attiré par l’un de ses passagers, Gabriel Neymorin qui vient assister Mollinard, l’administrateur colonial local. Lors de la fête donnée traditionnellement, la jeune créole cherche à le séduire mais sans grand résultat. Le lendemain, elle tente une approche directe et finit par le conquérir. Malheureusement, leur idylle et la grossesse qui se déclare sont mal perçues par Mollinard qui craint pour l’équilibre sociétal. Surtout qu’en aout 1967, le peuple Mauritien a demandé l’indépendance et l’inquiétude gagne du terrain surtout pour la gestion de l’île de Diego Garcia. Mais en 1970, le non-retour du bateau de ravitaillement transportant quelques familles inquiéte sérieusement les Gabriel et les siens. Qui plus est, en janvier 1971, un détachement militaire anglais vient pour exiger le départ des iliens vers Maurice. Entraînés de force, ils se retrouvent quelques temps plus tard amassés dans un bidonville Mauritien livrés à eux-mêmes dans une humiliation totale. Pourquoi cette terrible injustice ? Quels sont ces mensonges qui ont été proférés à leur encontre ? Marie-Pierre Ladouceur, séparée de son compagnon Gabriel, va prendre conscience de leur terrible situation et en 1975 commencer à entamer des démarches vis-à-vis du gouvernement britannique pour demander réparation. Sera-t-elle écoutée ?

Par phibes, le 1 novembre 2022

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Notre avis sur Rivage de la colère

Cette histoire complète se veut l’adaptation du roman à succès réalisé par l’écrivaine et éditrice franco-mauricienne Caroline Laurent, repris en ce sens par Laurent Galandon, scénarise de BD reconnu depuis L’envolée sauvage, et Rachid N’Haoua, illustrateur averti. La conjonction des deux artistes nous permet de découvrir un récit dramatique ô combien impressionnant par les sensations qu’il suscite et qui met en exergue le sort abject vécu par les habitants de l’île de Diego Garcia, issue d’un archipel océanique.

Se saisissant de fait d’une histoire authentique malheureusement méconnue, cette équipée contemporaine à travers plus de cinquante années d’existence nous sensibilise sur le parcours d’une femme, Marie-Pierre Ladouceur, autochtone, et de son compagnon Gabriel, pris dans la tourmente d’une lutte inégale initiée par des décisions gouvernementales abusives pour la sauvegarde des intérêts de tout un peuple.

Il ne fait aucun doute que la gestion du récit demeure des plus adroites et met en lumière la généreuse ambiances des îles océaniques sous influence coloniale. Dans ce contexte un tantinet oisif, les iliens de Diego Garcia ne se doutent pas que la destinée est en train de basculer au fil du temps qui passe. Si dans un premier temps, on se nourrit du relationnel de Gabriel et Marie, on pressent qu’une ombre insidieuse est en train d’obscurcir le tableau et que celle arrive à partir des éléments délivrés par l’administrateur colonial. Aussi, la tragédie prend ses racines, Laurent Galandon nous la restitue de plus en plus avec force, avec en filigrane les tensions du couple Gabriel/Marie. L’histoire d’amour se délite à l’instar du sort des Chagossiens pour finir dans une déshumanisation impitoyable.

Le récit est fort, d’autant plus qu’il est réel et marque profondément. Comme on peut le sentir, l’affliction immédiate due aux expulsions est bientôt remplacée par la colère, une colère tout d’abord unitaire puis collective et enfin générale. Le scénariste marque des points à toutes les pages eu égard à cette souffrance que l’on ressent à toutes les pages et au déséquilibre de la lutte engagée pour toucher au plus haut. Par ce biais, il suscite une réelle adhésion du lecteur.

Côté illustrations, le trait semi-réaliste de Rachid N’Haoua fait suffisamment impression. Pour une première, l’artiste nous offre un style très agréable, d’une belle finesse. Le détail est de rigueur, preuve que la recherche documentaire a dû être conséquente. Ses personnages, et en particulier la douce Marie, se révèlent par leur charisme et leurs aspects attachants.

Une très belle adaptation d’un roman qui met le doigt sur un dossier humain certes pas très connu mais qui a tout pour éveiller la honte et une grande colère.

Par Phibes, le 1 novembre 2022

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