Robert Badinter - L'homme juste

17 septembre 1981, le Garde des Sceaux Robert Badinter présente à l’Assemblée nationale son projet d’abolition de la peine de mort. La loi est promulguée le 9 octobre de la même année, la France devenant ainsi le 36ème État à supprimer la peine capitale, ceci, en grande partie, grâce à son engagement sans faille. Pascal Bresson et Christopher reviennent sur l’incroyable parcours d’un homme décédé le 9 février 2024, et dont la dépouille entrera au Panthéon en 2025.

Par v-degache, le 25 novembre 2024

2 avis sur Robert Badinter – L’homme juste

Pascal Bresson (scénario) et Christopher (dessin) adaptent chez Marabulles l’ouvrage de Dominique Missika et Maurice Szafran, Robert Badinter – L’homme juste (Tallandier, 2021), dans lequel l’ancien Ministre de la Justice se confiait à l’historienne et au journaliste. Le format de l’entretien est conservé dans la bd, mais accordé à une étudiante en master de droit, pour son rapport de fin d’étude.

Robert Badinter, le 31 janvier 2013 à Poitiers.

Le récit donne une place importante à la jeunesse de Robert Badinter, et à sa famille juive ashkénaze, originaire de Bessarabie, qui souhaite être pleinement assimilée dans son pays d’accueil, donnant à Robert une éducation bourgeoise typiquement française, alors que l’antisémitisme est de plus en plus présent. Les lecteurs retrouveront Idiss, la grand-mère, à qui le juriste avait consacré un ouvrage en 2018, adapté lui aussi en BD par Richard Malka et Fred Bernard (Idiss, Rue de Sèvres, 2021). La guerre va être un traumatisme pour le jeune homme, qui voit son père arrêté sous ses yeux. Elle constituera un jalon décisif dans sa lutte contre les discriminations.

Le combat juridique, aboutissant à l’abolition de la peine de mort, votée par l’Assemblée nationale le 18 septembre 1981, se construit en trois temps. Tout d’abord la relation avec son mentor, l’avocat et ténor du barreau Henry Torrès, celui-là même dont le jeune Robert vit le portrait en visitant l’exposition antisémite Le juif et la France en 1941, et dont il devient l’assistant.

Puis il y a un moment fondateur dans son engagement contre la peine capitale, lorsqu’il est sollicité pour assister Me Lemaire afin de l’aider à la défense de Roger Bontems. Celui-ci est alors co-accusé du meurtre d’un gardien et d’une infirmière, lors d’une prise d’otage à la Maison centrale de Clairvaux, en 1971. Bien que le procès ait établi qu’il n’a pas tué, Bontems est tout de même condamné à mort et guillotiné un an plus tard. C’est la première exécution à laquelle Badinter assiste, un traumatisme comme Victor Hugo eut à dix ans en voyant un homme conduit à l’échafaud, et que l’avocat racontera dans l’ouvrage L’exécution, sorti en 1973.

28 novembre 1972, Prison de la Santé. Roger Bontems est exécuté à 5h13, Claude Buffet est guillotiné quelques minutes plus tard.


Lorsque Patrick Henry est arrêté pour le meurtre du petit Philippe Bertrand en 1976, et que le présentateur Roger Gicquel proclame froidement, au journal télévisé, « La France a peur », l’avocat compte bien, une nouvelle fois, se battre contre la peine de mort, le procès devenant « LE procès contre la peine de mort », même s’il faut aller à contre-courant de l’opinion publique. La suite de l’histoire, nous la connaissons tous, Henry échappe à l’exécution, et Badinter ira, aux côtés de François Mitterrand fraichement élu président de la république, jusqu’au bout de son combat, cette fois-ci en modifiant la loi.

Croquis d’audience de Calvi, représentant Robert Badinter et Patrick Henry lors du procès en janvier 1977, publié dans Le Figaro.

Après Simone Veil, les époux Klarsfeld, ou la Rafle d’Izieu, Pascal Bresson continue d’explorer et d’interroger notre histoire nationale ainsi que notre mémoire collective, dans ses aspects plus ou moins glorieux. Il mobilise ici Hugo pour dresser un parallèle avec l’action et l’engagement abolitionniste de Robert Badinter, les deux ayant aussi en commun d’avoir été panthéonisés (entrée prévue en 2025 pour Badinter). Il choisit une narration classique et chronologique, à l‘exception d’une entrée en matière sur le choc que fut l’exécution de Bontems, et quelques retours dans le passé mettant en scène l’auteur du Dernier jour d’un condamné. Le récit est fluide, la lecture claire et agréable, même si l’on aimerait parfois que certains passages soient un peu plus approfondis.

Robert Badinter évoquant Victor Hugo, devant le monument La Convention nationale, de François-Léon Sicard, au Panthéon.

Christopher délaisse quant à lui momentanément les thématiques sportive et rock qui l’ont occupé ces derniers temps, pour se mettre au service de cette figure emblématique de la République. Son dessin aéré et sa science du cadrage participent grandement à la lisibilité de l’ouvrage, accessible à un large public.


Le Robert Badinter de P. Bresson et Christopher rend un bel hommage au combat abolitionniste de l’homme. Bravant les avis des conservateurs et l’opinion publique, démontant l’idée reçue que la peine capitale aurait un effet dissuasif pour les criminels, et en faisant une caractéristique commune aux régimes dictatoriaux et totalitaires, Badinter a marqué l’histoire avec cet engagement finalement couronné de succès.

Par V. DEGACHE, le 25 novembre 2024

Après avoir consacré une biographie à Simone Veil, Pascal Bresson s’intéresse cette fois-ci à Robert Badinter, l’homme qui a aboli la peine de mort en France.

Avec Robert Badinter : l’homme juste, Pascal Bresson va nous conter comment cet avocat a lutté contre la peine de mort, comment il l’a abolie, ainsi que sa jeunesse, durant la période de l’Occupation, en France. Le récit est prenant. Bresson a réussi à construire son scénario d’une façon fort efficace et intelligente. Nous suivons une jeune femme, Noémie, qui s’entretient avec Badinter sur diverses périodes de sa vie et surtout sur l’exécution de Bontems et son combat contre la peine de mort. Le portrait que fait Bresson montre un homme juste, intelligent, qui a connu des moments difficiles, un homme qui s’est battu pour la justice. Badinter a été un grand avocat et sera aussi ministre de la justice, sous la présidence de Mitterrand. Le scénariste arrive à nous passionner pour la vie de cet homme. Il nous fait regretter de ne pas l’avoir connu personnellement, montrant le charisme de ce grand homme, par ses mots. Encore une fois, le scénariste nous laisse sans voix devant son nouvel ouvrage.

Et pour l’accompagner, il s’adjoint les talents de Christopher. Ce dernier fait de l’excellent travail sur ce roman graphique. Le choix de ce dessin est judicieux et fonctionne très bien, avec également une grande inspiration au niveau de la colorisation. Cela donne une autre atmosphère au genre biographique.

Robert Badinter : l’homme juste est un livre que je vous recommande fortement. Une très bonne biographie sur un grand homme et une belle étude sur la justice et la peine de mort. Fortement recommandé !

Par BERTHOLD, le 25 novembre 2024

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