RORK
L'intégrale 2

Qu’il est bon de se plonger aujourd’hui, soit vingt ans après (si on omet le tome 0 de la série paru tout récemment) dans le passionnant univers de Rork. Et soulignons avant d’entrer au cœur du sujet le très beau travail d’édition du Lombard qui propose la série complète en deux volumes chacun complétés d’un dossier instructif et richement illustré, précieux complément qui ouvre des perspectives vers une compréhension plus fine de l’univers d’Andréas.

Pensé au départ comme une succession de tomes indépendants, très rapidement Rork se mue en une véritable série. Là est le talent d’Andreas qui réussit toujours à raconter une histoire. Un parallèle est possible entre Andreas et Marc-Antoine Mathieu. Tous deux s’imposent une contrainte, en explorent les recoins, puis tour à tour la tordent et la détordent pour en relever le défi. Tous deux sont des metteurs en scène, ils occupent l’espace de la page, puis l’espace à l’intérieur des cases qui remplissent la page. Mais tous deux sont aussi et avant tout des conteurs d’histoires. Et surtout Andreas qui construit d’album en album un univers avec ses codes propres mais qui à aucun moment ne choque tant il est assurément cohérent. Andreas est un auteur monde. Plonger dans le monde de Rork, c’est plonger dans les pensées d’Andreas. Revendiqué par l’auteur lui-même, une lecture psychanalytique et symbolique des ses œuvres est possible. Possible mais en rien indispensable ! Car la dimension feuilletonnesque matinée de polar fantastique est en-soi passionnante. L’ « écriture psychanalytique » offre au récit d’Andreas une profondeur, une épaisseur qui flirte avec un mysticisme certain. Captivant, Rork nous montre une fois de plus que le fantasme est un bon moyen d’approcher le réel.

Mêlant les genres, Rork est avant tout une bande dessinée entre exigence poussée et plaisir de lecture jamais entamé. L’expérimentation graphique et narrative n’est pas réductible à un simple exercice de style, pensé comme un défi davantage posé à son auteur qu’aux lecteurs, une fois pris dans l’engrenage vous ne pourrez plus qu’en sortir définitivement mordu. Du grand 9ème art. Un must à découvrir d’urgence !

Par melville, le 9 février 2013