Route 78

En 1978, dix ans après la révolution hippie, Pat et Éric, deux amoureux âgés d’une vingtaine d’années, se sont envolés pour New York avec pour intention de partir dans une équipée à travers les Etats-Unis. Avec peu d’argent en poche, le couple souhaite en quelques jours rejoindre San Francisco grâce à la marche et à la générosité de ceux qu’il rencontrera sur son chemin. Mais dès les premières heures newyorkaises, le périple des deux voyageurs prend une orientation imprévue et oblige ces derniers à passer la nuit à la belle étoile, la personne qui devait les héberger étant en plein drame amoureux. Leur moral n’étant nullement entamé, ils décident de continuer leur excursion et pour cela, cherchent à gagner de l’argent en vendant des croquis réalisés sur place. Une fois la cagnotte amassée, les deux aspirants globe-trotters se lancent dans l’aventure, une aventure qui va leur permettre de vivre des moments mémorables, partagés entre découverte, drogue et pure galère.

Par phibes, le 25 mars 2015

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Notre avis sur Route 78

Route 78 est une sorte de journal de voyage construit sur des souvenirs de jeunesse authentiques qu’Éric Cartier a conservé dans un coin de sa tête pendant de nombreuses années avant de décider de les coucher dans cet entreprenant ouvrage. Epaulé par Audrey Alwett, la directrice de la collection Blackberry de chez Soleil et auteure de plusieurs séries chez ce même éditeur (My Lady Vampire, Ogres, Les aventuriers de la mer…), l’artiste se met donc en scène ainsi que sa compagne Pat, alors instituteurs tous les deux, afin de nous conter leurs fameuses tribulations sur le sol américain.

A l’appui d’une évocation très intimiste, directe, simple et efficace, le couple nous transporte dans leur histoire à l’appui de tout un florilège d’anecdotes vécues durant la traversée du pays. Il va de soi que, comme il nous le susurre rapidement, ce voyage sur la route beatniks ne va pas se passer comme prévu et que de nombreuses surprises, plus ou moins cools, sont appelées à se manifester. Ces épreuves, véritables radiographies d’une couche sociale plutôt marginale, créées surtout par des rencontres singulières sur fond de dope, soulèvent évidemment des émotions partagées entre légèreté (les pieds nickelés baba cools) et amertume (l’histoire de la petite fille d’un couple de junkies en est le parfait exemple).

Cette équipée qui alterne allègrement vocables français et anglais et qui fait appel à de nombreuses références de l’époque (clins d’œil littéraires, musicaux, cinématographiques, politiques…) se lit d’une seule traite malgré ses quelques 170 pages. On reste totalement accroché aux pérégrinations aventureuses d’Eric et de Pat grâce à cette naïveté liée à leur jeune âge qui les habite et qui peu à peu va se déliter.

Côté dessin, Éric Cartier use d’un trait semi-réaliste qui sied à merveille à son récit et qui cache (c’est lui qui le dit) un gros travail de recherche. Bien que l’on perçoive de la douceur dans sa manière de croquer son prochain relevée par la colorisation aiguisée de Pierô Lalune, l’artiste sait faire émerger, au travers d’une galerie de portraits presque ubuesques, l’envers du décor et susciter ce qui peut faire peur. On ne pourra que saluer son style à n’en pas douter fouillé, mettant en lumière sans vergogne une vitrine d’une part peu ragoutante des Etats-Unis de 1978 et d’autre part démontrant un certain plaisir de l’avoir parcouru.

En définitive, un très bel album souvenirs chargé en émotions diverses.

Par Phibes, le 25 mars 2015

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