SAMBRE
Fleur de pavé

En ce mois de juin 1857, le jeune Bernard-Marie à la Bastide avec sa tante adoptive Sarah. Considéré comme le dernier des Sambre et élevé dans le culte de cette famille au parcours douloureux, il se voit hanté par les fantômes de ses ascendants qui le réveillent chaque nuit. Toutefois, ces cauchemars semblent lui faire comprendre indirectement que sa mère, pourtant disparue au cours de son exil pour Cayenne, est toujours vivante. Comme il se doit cette idée persistante le perturbe profondément au point qu’il finit par la rejeter.

De son côté, Judith, la sœur jumelle de Bernard-Marie a été placée dans un institut pour orphelins à Paris. Là, elle y côtoie à l’insu de sa gardienne, deux garnements de la rue, Giuseppe et Kazimir. Le jour où Judith est adoptée, sous la bénédiction du Commissaire Guizot, par un couple de bourgeois, la destinée de la petite fille semble prendre une orientation des plus favorables. Malheureusement, les actes dont elle va être bientôt à l’origine vont la renvoyer bientôt dans la rue.

Pendant ce temps, Julie Saintange a quitté le phare irlandais de Little Skyvore en tant qu’épouse du gardien décédé Adam Scott Shagreen avec lequel elle a partagé un amour bref. Désormais enceinte, elle a intégré la famille du défunt qui, fermant les yeux sur son passé, accepte de préserver la venue du futur héritier.

Par phibes, le 28 septembre 2016

Publicité

Notre avis sur SAMBRE #7 – Fleur de pavé

Après une interruption conséquente de cinq ans, la grande fresque familiale Sambre initiée en 1985, retrouve les étalages des libraires de France et de Navarre. Toujours sous la houlette aiguisée de l’architecte en chef Yslaire, ce septième épisode vient nous donner la suite des péripéties dramatiques liées à la famille Sambre et plus particulièrement à la descendance de Bernard et Julie.

C’est donc avec un réel plaisir que l’on retrouve les deux protagonistes principaux des tomes précédents à savoir Bernard-Marie (fils de Bernard) et sa mère Julie, chacun dans leurs déboires affectifs et leur malédiction, le premier aux crochets d’une tante adoptive, de surcroit aveugle, pour le moins étouffante et la seconde, fraîchement veuve (voir tome VI), à la recherche d’une certaine stabilité pour élever son futur enfant. Un troisième protagoniste fait son apparition dans cet opus, la petite Judith, fleur de pavé (fille jumelle de Julie qui précédemment était considérée comme étant morte à la naissance). La surprise se veut donc de taille par cette révélation qui permet à l’auteur de propulser au premier plan de ce tome ce petit personnage plein de ressorts et promis lui-aussi à quelques drames.

Sur quelques années (de 1857 à 1861), les trois destinées se juxtaposent donc sans se croiser (pour l’instant) à la faveur de transitions ténues (celui des insectes) et d’une évocation qui, encore une fois, entretient cette sombre malédiction grevant douloureusement chaque strate de la famille Sambre. Dans une guerre des yeux qui n’épargne donc personne, Yslaire joue avec chaque destin de manière sans appel, grâce à un contexte historique maîtrisé, à une fluidité narrative remarquable, surfant sur une partition tragique toujours aussi prégnante. Ici, c’est le parcours de Judith qui prend toute sa place dans cette histoire. L’auteur nous offre un portrait de fille de rue plein de juvénilité, de pétulance, dont le statut d’orphelin, lui permet d’aspirer à une certaine liberté. Ce faisant, Judith génère une véritable exaltation mais aussi, de par ses choix, afflige.

Côté dessins, Yslaire renoue avec ce magnifique trait qui lui est propre et qui a contribué au succès de la série. Force est de constater que l’artiste évolue dans une générosité, un détail qui forcent le respect tant décors et personnages sont rendus dans un réalisme admirable. Epaulé par une colorisation qui fait ressortir très habilement le rouge (des yeux, du sang, des insectes), son univers pictural qui s’étale ici sur un peu plus de 70 planches, fait effet dès le départ et nous transporte à tire-d’aile jusqu’à un final qui arrive trop vite.

Une suite que l’on n’attendait plus et qui nous renvoie dans une histoire intergénérationnelle toujours aussi douloureuse et pleinement palpitante. Pour notre plus grand bonheur, la guerre des yeux continue au travers du destin malheureux de Bernard-Marie et Judith jusqu’à sa conclusion prévue dans deux épisodes.

Par Phibes, le 28 septembre 2016

Publicité