Séjour en Afrique

Le tout est de savoir qu’à l’époque où cette bande dessinée est parue aux éditions Rackham, ses auteurs Jean-Luc Coudray et Alain Garrigue n’avaient jamais mis le pied en Afrique. Ils ont donc mis en images des situations et des ambiances "comme ils les sentaient", tapant parfois dans le vrai et s’égarant aussi parfois (logiquement ?) dans le cliché.

Car l’Afrique fait facilement fantasmer celui qui n’y a jamais mis les pieds. Il y a la chaleur, les bêtes sauvages, l’exotisme, bien sûr, mais il y a aussi tout le côté tribal, le côté traditionnel, le côté rituel… C’est sur ce terrain que les deux auteurs ont entraîné leur héros, un ethnologue blanc parti étudier les mœurs des Africains chez qui il allait séjourner et qui allait (et cela quasiment exclusivement dans ce récit) s’arrêter sur la question de l’efficacité de la danse de la pluie qui est pratiquée de génération en génération dans le village où il est arrivé.

Comme celui qui arrive sur le tarmac d’un aéroport africain, accablé par une chaleur qu’il ne peut alors qu’accepter de supporter, le lecteur est obligé de plonger dans cet univers nouveau qui s’ouvre à lui. La narration est en effet réalisée avec de longues phrases qui sont découpées de telle manière qu’elles s’étendent sur beaucoup de vignettes. Lire une phrase entière revient alors à "voyager" à travers plusieurs planches ! C’est l’immersion. On y est, là, au fond de la brousse. Alors il faut composer avec.

Les couleurs à l’aquarelle dues, pour cette réédition au catalogue de La Boîte à Bulles, à Joël Alessandra à qui l’on doit déjà entre autres le très sensible Fikrie participent pleinement à cette immersion. Et nous voilà aux côtés du héros, laissant de côté nos moqueries relatives au fait qu’il va prendre au sérieux cette danse de la pluie dont il veut croire aux vertus. On ne sait plus trop alors si on veut y croire parce qu’on voudrait en finir avec une terre hostile dans laquelle on n’a pas nos repères habituels, ou si, au contraire, parce que ce serait une expérience magnifique, une révélation, un souvenir de voyage qui ferait de nous des privilégiés.

Les auteurs ne connaissaient pas l’Afrique quand ils ont réalisé Séjour en Afrique mais ils ont réussi à nous raconter une histoire qui parle de la fascination que peut avoir ce continent sur celui qui y va et pour qui le quotidien peut tourner plus vite à l’aventure que lorsqu’il est chez lui, en Europe.

Séjour en Afrique est une initiation. Un rêve aussi, en quelques sortes. Embarquement immédiat.

Préface d’Alejandro Jodorowsky.
 
 

Par Sylvestre, le 17 mai 2009