Shin zero
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Japon, 2008 : cela fait 75 ans que les premiers Kaijus sont apparus et 13 qu’ils semblent avoir définitivement disparu. Cependant, depuis 1999, le marché des sentais (des héros locaux, costumés, à l’exemple de ceux qui ont combattu les Kaijus) s’est ouvert au marché privé, avec notamment, à partir de 2005, la mise en place d’une application qui permet de gérer les propositions de missions pour tous ceux qui veulent y répondre.
Pour financer ses études, Héloïse décide de souscrire au programme sentai, pendant les vacances d’Été. Elle se procure donc un costume sur Internet et commence ses premières missions. Son ami Warren, secrètement amoureux d’elle, la suit dans son choix. Très vite, ils emménagent avec un groupe d’autres sentais. Mais le jeune homme a du mal à suivre le mouvement, d’autant que Héloïse semble complètement s’intégrer…

Par fredgri, le 20 janvier 2025

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Notre avis sur Shin zero #1 – 1/3

On attendait avec impatience ce premier volume de Shin Zero, fruit d’une collaboration entre Mathieu Bablet et Guillaume Singelin, deux auteurs qui ont le vent en poupe, dont les derniers travaux ont été particulièrement remarqués. Avec cette série, prévue en trois volumes, ils s’inscrivent dans la même dynamique que des projets comme UltraMega de James Harren, Kaijumax de Zander Cannon ou Big Girls de Jason Howard, des hommages appuyés aux univers des Kaijus tels que développés dans les productions japonaises.
Malgré tout, bien plus que ces monstres géants, il est surtout question ici de se réapproprier les codes des Super Sentaïs, ces super-héros japonais œuvrant soit en solitaire (Bioman, Goranger) soit en équipe, et dans ce dernier cas, une couleur différente pour chaque membre, comme on peut le voir avec la version américaine, les Power Rangers.

Toutefois, Bablet et Singelin accentuent l’aspect social du phénomène en expliquant que dorénavant le rôle des sentaïs s’est privatisé, par le biais de trois grosses agences travaillant sur le modèle des boites d’intérim, ce qui a eu pour effets immédiats d’une part de multiplier les candidats de façon exponentielle, mais aussi de banaliser leur impact et ainsi de précariser leur situation individuellement, au point où l’on trouve des sentaïs qui travaillent comme videurs, voire même parfois comme agents d’entretien… Ils passent donc leur temps à sélectionner les missions les plus rémunératrices, histoire d’accumuler des étoiles (des points de validation donnés par les « clients » qui permettent ensuite aux agences de calculer immédiatement les salaires).
On est donc loin des grands combats manichéens, du bien contre le mal, en rupture avec la réalité. Derrière ce portrait de héros du quotidien qui peinent à joindre les deux bouts, Bablet et Singelin posent une vision décalée de la société d’aujourd’hui, avec des jeunes personnages des cités qui se posent des questions sur leur avenir, sur leurs objectifs, sur le regard que peuvent porter sur eux leur famille, le monde qui les entoure. Ils savent qu’ils ne changent pas grand-chose avec leur costume et leur masque, mais cet argent leur permet de se réaliser un peu plus, il leur donne l’illusion qu’ils ne sont peut-être pas comme leurs parents.

On a Héloïse, qui se prépare pour la fac, qui découvre la vie en métropole, un peu naïve sur les bords, mais enthousiaste. Son ami Warren est un cynique qui n’accepte cette nouvelle vie que pour rester auprès d’elle, bien qu’il soit promis à un avenir de réussite, il vient d’apprendre que son propre père était jadis lui aussi un sentaï. Satoshi, de son côté, rêve d’être un sentaï depuis qu’il est petit, sa vie est entièrement tournée vers cet objectif, il passe son temps à s’entraîner, à surveiller la moindre mission, mais en contrepartie, il n’a absolument aucune autre qualification. Sofia, sa cousine, espère pouvoir mettre suffisamment de côté pour récupérer la garde de son fils, tandis que la dernière de l’équipe, Nikki, rend hommage à sa grand-mère, qui a fait partie des dernières équipes qui ont combattu les Kaijus, mais qui souffre d’étranges effets secondaires qui l’obligent à rester en EHPAD.

Les auteurs se font donc plaisir en rythmant le récit de quelques beaux combats, mais on sent très nettement que le propos est plus complexe, plus profond aussi, sur cette génération en rupture avec celles qui l’ont précédée, qui se cherche encore.
Des portraits touchants, qui débordent de naturel. L’écriture de Bablet est toujours aussi fine et pertinente. Graphiquement, Singelin revient donc sur des scènes du quotidien, avec un soin porté aux détails, aux architectures toujours aussi impressionnantes.

Shin Zero se présente donc comme l’une des très belles surprises de ce début d’année. A ne pas manquer, indéniablement.

Recommandé.

Par FredGri, le 20 janvier 2025

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