SHOWTIME AT THE APOLLO. L'histoire du théâtre légendaire de Harlem

Version française de l’adaptation en bandes dessinées d’un ouvrage plusieurs fois mis à jour, Showtime at the Apollo retrace l’histoire de l’emblématique salle de spectacles et de concerts new-yorkaise. Pour ce faire, une multitude de « grands noms » intervient. Tous défilent les uns après les autres et la succession de leurs apparitions (qu’ils soient comiques, danseurs, musiciens ou chanteurs…) crée la narration d’une grande partie de l’ouvrage en ce sens que ce qu’ils disent aurait très bien pu être exprimé en voix off par le narrateur. Le récit couvrant des années 1930 à nos jours, la succession de ces témoignages qu’on lit place « dans un même moment » (celui de notre lecture) des artistes qui pourtant ne se sont pas forcément produits aux mêmes périodes. On notera aussi qu’assez peu de vignettes montrent les artistes sur scène : quand elles parlent au lecteur, les stars s’adressent à lui, comme si elles répondaient à ses questions.

L’Apollo nous est conté sous différents angles : l’excitation d’aller s’y produire, le bâtiment en lui-même et sa vétusté, le public (qui parfois restait toute la journée pour profiter de la succession des films et spectacles proposés pour le prix d’un seul ticket !), les loges des artistes, les anecdotes… Bref, tout son « folklore » et sa légende… Et des bribes de biographies, aussi, bien entendu, puisque ce qu’ont vécu les artistes dans cet endroit fait aussi partie de leurs histoires personnelles.

En plus de donner la parole à des artistes, Showtime at the Apollo nous parle aussi de l’historique de la salle en tant que telle et du quartier dans lequel elle se trouve. Ces exposés en viennent donc mécaniquement à nous toucher mot des contextes sociaux au fil du temps dans une ville certes cosmopolite mais néanmoins très fortement marquée par les problèmes de ségrégation raciale. Ils nous renseignent aussi sur les différentes Directions que l’entreprise a connues au gré des achats, des rachats, des fermetures et des réouvertures…

Tout ça est intéressant et effréné. Les informations nous arrivent en masse, vignette après vignette, tout au long des 230 pages. Eh oui, l’histoire de l’Apollo est si riche qu’elle n’aurait pas pu tenir en quelques dizaines de pages seulement ! En tout cas si on la voulait un minimum complète… (Et encore, si plusieurs décennies « fastes » font chacune l’objet d’un chapitre, l’Apollo « de nos jours » n’est pas autant détaillé.)

Ce généreux nombre de pages est peut-être malheureusement ce qui a poussé aussi à ce qu’un dessin assez simplifié vienne mettre tout cela en images. Dommage. C’est une petite déception au regard des côtés « biblique » et documentaire de l’ouvrage. L’autre éventuelle frustration pour les lecteurs ne sera pas à mettre au compte d’un auteur ou d’un autre, par contre : elle découlera du manque de connaissances que n’auront que les amateurs éclairés. Si le lecteur « lambda » (dont je fais partie) connaîtra assurément des James Brown, des Nina Simone, des Bille Holiday et autres, beaucoup d’autres noms n’auront peut-être pas le même écho pour lui. Il aura cela dit toute confiance dans le bien-fondé du choix des auteurs d’en avoir fait les ambassadeurs de leur art et de l’Apollo !

Fruit d’un long travail d’enquêtes et d’interviews, Showtime at the Apollo est un pavé d’infos, de nostalgie et de regards sur une salle mythique. Un document de taille pour les musicologues et autres mélomanes à découvrir aux éditions Glénat.

Par Sylvestre, le 31 octobre 2023