SOLO
La fin d’un cercle infini

Cet album nous replonge dans les ambiances d’une Terre dévastée au sein de laquelle humains et animaux se sont adaptés et même ont évolué, dans une barbarie primaire qui a fait émerger des clans antagonistes. Sous le couvert de Legatus, fils adoptif du rat Solo, nous assistons à la tentative quasiment désespérée de l’instauration idéalisée d’une communauté pacifiée. Ce sixième opus permet, sous la gouverne très efficace d’Oscar Martin, de replonger dans cet objectif douloureux qui va être accompagné d’un lot de confrontations sanglantes.

Fort d’une pagination abondante, le récit est l’occasion de retrouver les personnages-clé de cette saga. A commencer par Legatus, toujours disposé à établir une communauté universelle et pour cela, prêt à prendre des dispositions pour sauver le plus grand nombre de ses pairs des raids meurtriers de la gente humaine assoiffée de domination. On y retrouve également sur différents plans Aurora, Géa et Abeson côté herbivores, et les sinistres humains Izan et le gouverneur des militaires, chacun dans une adversité qui, comme on peut le sentir, ne va pas tarder à se cristalliser violemment dans un ultime affrontement.

Avec ce volet, Oscar Martin vient clore son deuxième cycle, et ce dans une apothéose au sein de laquelle les bonnes volontés se doivent de passer par les plus mauvaises intentions. Il ne fait aucun doute que l’auteur s’inspire fortement de notre modèle communautaire et le transpose efficacement dans un univers à la Mad Max apocalyptique. Le récit, qui se nourrit de dialogues particulièrement percutants et qui n’est pas sans faire le lien avec la série parallèle Chemins tracés, reste toujours aussi tendu et semble démontrer que l’idéal projeté est loin d’être facile à atteindre. Force est de constater que, par ce biais, l’auteur prouve ici encore ses talents de conteur et sait susciter toute sorte d’émotions.

Les émotions émanent également de la partie graphique. Cette dernière, abondamment animalière, donne l’occasion à l’artiste, assisté de Leonel Castellani, de croquer une multitude de personnages zoomorphes terriblement expressifs. Compte tenu du sujet, la sauvagerie pour certains, la sagesse pour d’autres, entourent ces derniers, dans des perceptions souvent ensanglantées, cruelles à souhait. On saluera tout particulièrement ici les scènes de bataille ô combien grouillantes et gesticulantes, démontrant une fois encore que l’artiste a souhaité aller au bout de ses capacités et même au-delà.

Une fin de cycle superbement orchestrée, qui en impose prestement par sa tournure tourmentée et son actualité.

Par Phibes, le 31 décembre 2023