soucoupes

Pour les auteurs (Arnaud Le Gouëfflec et Obion) l’important n’est pas l’arrivée des extra terrestres en elle même, car une fois ce constat posé (en deux pages) le récit se concentre sur Christian, sur sa vie personnelle et sur sa rencontre avec cet extra terrestres avide de culture terrienne. Tout le récit est donc présenté sous le prisme de l’évolution de notre marchant de disque. On le découvre d’abord désabusé et cynique, jetant un regard assez incrédule devant cette arrivée massive venue de l’espace, puis petit à petit on le voit se lier d’amitié avec cet explorateur, voir même créer une sorte de complicité… Il se confie, lui fait découvrir certains de ses jardins secrets, ses peines de cœur, ses joies…

Et contre toute attente, on finit par s’attacher à cet homme qui pouvait donner l’impression d’être plutôt obtus, voir même assez réac et qui se révèle plus fragile dans ses indécisions, dans cette façon quelque peu brute de décoffrage qui gagne en profondeur avec cette rencontre !
Mais bien davantage que Christian c’est l’extra terrestre qui est touchant, qui devient l’élément révélateur du petit monde qu’il croise. Et bien qu’il ne prononce pas un mot tout du long on se laisse séduire par cette innocence qu’il dégage, cette fraîcheur du regard sur ce qu’il observe. Son attachement pour Christian va d’ailleurs donner quelques très beaux passages dans l’album, magnifiquement rendus par une écriture toujours très juste et un graphisme absolument somptueux ! Ainsi on le suit dans ses pérégrinations, on le voit découvrir l’Art en écoutant les conseils du terrien (allant même jusqu’à explorer la pornographie et les sex-shop !!!), sous ce "scaphandre" inexpressif on devine de la perplexité, mais très vite on sent qu’il a compris qu’avant tout ce qui compte bien plus que l’Art en lui même c’est la perception que chacun en a et les sensations qu’il provoque, aussi abstraites puissent elles être pour son esprit "étranger" !

Tout est néanmoins vu du point de vue terrien, on n’appréhende pratiquement jamais la culture extra terrestre, ni même les opinions du visiteur et mis à part quelques vagues échos des savants qui reviennent de leur visite sur l’autre planète, nous ne savons rien sur ce monde lointain. Ce qui m’amène à penser que cet élément, ce visiteur, n’est avant tout là que pour nourrir un autre propos plus lié à l’évolution de Christian, ce qu’il lui révèle sur lui, cette prise de conscience qui se glisse au fur et à mesure sur un aspect de sa vie qu’il doit régler pour de bon (son rapport avec les femmes, son fantasme esthétique…).

Il en résulte un très bel album, très subtil qui se déroule devant nous lentement au grès des planches absolument sublimes d’Obion qui nous offre là une palette graphique pleine de virtuosité, très riche en teintes magnifiques, en texture, en lumière… On revient régulièrement se replonger dans ces cases de toute beauté !!! Du très très bon travail, très impressionnant !

Soucoupes demeure l’une des très belles surprises de ce début d’année, une lecture que je vous conseille vivement !

Par FredGri, le 3 mars 2015