SPIROU HEBDO
6 avril 2022

Est-ce vraiment l’affaire du moment, cette reprise de Gaston par Delaf ? On en parle partout (même si l’effet se calme sérieusement), on parle de respect de la volonté de Franquin, de la nécessité de garder vivante une œuvre, tout le monde s’enflamme autour de ce qui peut sembler, au vu de cette seule planche, assez dérisoire !
Delaf fait du bon boulot, bien propre, peut-être trop fidèlement accroché à l’héritage Franquin, au point de carrément reprendre au trait près des poses, des cases, des expressions, voire même l’idée du gag à base de boule de billard sur le crane… Donc là, tout de suite, on se demande pourquoi, finalement singer aussi ouvertement le créateur sans apporter le moindre plus ? Il faudrait en voir davantage, juger sur pièce, ne pas se suffire de cette simple planche qui démontre, certes, une admiration sincère et respectueuse de l’œuvre, mais un manque de volonté d’aller plus loin !

On n’a donc pas forcément tout ce qu’il faut pour juger de la pertinence artistique de cette reprise, on verra avec l’album ! Mais au sujet de Gaston, on peut aussi s’interroger sur la nécessité de sortir une reprise pour absolument garder "vivante" une œuvre qui pourrait être oubliée, au risque de progressivement délayer le travail de Franquin, dans le temps, de le banaliser. Dupuis a depuis longtemps compris la rentabilité de cet univers Gastonesque en multipliant les rééditions, les collections a bas prix, les intégrales et autres objets marchandising. Et on se doute qu’arrivé au bout du filon, l’ultime solution pour continuer cette tendre aventure licencée c’est tout simplement d’amener des nouveaux gags…

Alors, évidemment, Franquin avait déclaré précédemment qu’il ne souhait pas que son personnage soit repris après lui,mais qu’il ne se faisait pas non plus d’illusion… De la se pose ensuite la question de la légitimité et du respect des volontés du créateur. Ce qui amène la fille de Franquin à bien légitimement intenter un procès à Dupuis sur le droit moral de cette reprise. L’affaire est donc légèrement en suspend, la prépublication prévue dans Spirou est suspendue, en attendant…

Ainsi, ce numéro, sous ses dehors tranquilles recèle un vrai débat qui nous amène à nous interroger sur la vie d’une œuvre après la disparition de son créateur…

Mon propos n’est pas d’amener des solutions, ni des réponses, mais bel et bien de montre que le débat est encore bien là…

Par FredGri, le 21 avril 2022