Stray Bullets Über Alles Edition

Il faut bien se rendre compte que résumer 41 fabuleux numéros d’une telle série c’est pratiquement impossible, tant les multiples récits se croisent, se complètent et partent absolument dans tout les sens. Car, évidemment, il ne s’agit pas juste d’Amy, ni même de Beth, mais d’une pléiade de personnages que l’on suit pendant quelques années, au début des 80’s ! De plus, Lapham fait régulièrement des allés et venues dans le passé, il glisse aussi les aventures d’Amy Racecar, en marge de la grande trame générale… C’est absolument fascinant, presque hypnotique !

L’univers de Stray Bullets est sombre et violent, pratiquement aucune échappatoire pour ces êtres qui subissent les coups des uns et des autres, qui plongent chaque fois plus brutalement dans une Amérique glauque et tordue. Cette Amérique est celle de la désillusion, des petites frappes qui se forgent leur territoire à coups de poing, voir même en sortant les armes.
Au milieu de la mêlée il y a les enfants et les ados qui apprennent les règles, qui tentent de s’en affranchir pour mieux y retomber, rien ne peut échapper à cette tornade qui les emporte tous, un par un !
Mais Stray Bullets c’est surtout l’incroyable écriture de Lapham qui décide, en 95, de rompre avec cette industrie du comics extrêmement formatée, pour se consacrer à sa série, en tant qu’auteur complet. Il fut auparavant la révélation des Valiant Comics de Jim Shooter, avant de le suivre chez Defiant sur Warrior of Plasm.

Avec SB, la rupture est franche et sans appel. Le dessin en noir et blanc se concentre sur le storytelling, c’est fluide et expressif, mais c’est surtout aiguisé à la perfection comme une bonne lame bien tranchante !
Lapham ne fait pas dans la dentelle, les gamins sont, sous leur allures innocentes, des psychopathes en puissance, ils évoluent dans des familles complètement ravagées par la récession des années Reagan, on prépare des mauvais coups, on voit défiler les putes et les escrocs, les adultes sont hantés par leurs névroses, on n’est jamais à l’abri d’un dérapage du destin !
Toutefois, au milieu de cette ambiance lourde et pesante, on est très vite séduit par la concision des dialogues et l’habileté des scénarios. Lapham n’en fait jamais trop, il évite de digresser inutilement, c’est de la vraie Série Noire dans les règles de l’art, avec des atmosphères à couper au couteau, des scènes d’anthologie à chaque épisode, des changements de rythme réguliers et des fulgurances à chaque tournant !
Le nombre de fois ou je suis resté bouche bée devant certaines idées ou certains retournements de situation… C’est époustouflant, d’un bout à l’autre !

Cet épais volumes de près de 1200 pages rassemble donc la série initiale en intégralité, qui s’est interrompue en 2005 avant de revenir se conclure en 2014. Lapham a depuis décidé de continuer l’aventure, d’une part avec une première mini série "Stray Bullets: Killers" en 2014, puis une nouvelle ongoing: "Stray Bullets: Rose & Sunshine" en 2015 ! Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’a absolument rien perdu de sa force, malgré sa seconde carrière chez les Big Two, depuis.

En refermant la dernière page de cet Über Alles Edition, je reste sans voix devant tant de virtuosité et de force. Je ne peux que vous conseiller de redécouvrir, à votre tour, cette incontournable série, en espérant qu’un jour un éditeur français reprendra une éventuelle traduction. C’est même assez incompréhensible que ça ne soit toujours pas le cas !!!

A lire absolument !

Par FredGri, le 8 décembre 2016