Super Normal

Sorti initialement en 1977, ce roman, jusque là inédit en France, a néanmoins marqué son époque. Au point d’être considéré par quelques uns comme un livre culte qui aurait influencé, par ses thématiques, sa construction et le regard posé sur les super-héros, de nombreux autres artistes, parmi lesquels Alan Moore (Watchmen, Miracleman), Grant Morrison (Animal Man, Zenith) ou Kurt Busiek (Astro-City) !

Et quand on se lance dans cette lecture on comprend très vite cet impact.
Le héros est un vieux super-héros qui a laissé tomber sa cape et ses gants pour mener une vie "normale", mais qui se laisse tenter par un retour sur scène, 8 ans après avoir tout arrêté ! C’est pour lui l’occasion de se remettre en question, de faire le point, d’aller voir d’anciens visages qui ont eux aussi vieilli et de s’interroger sur cette vie héroïque qui lui manque, cette figure du sur-homme tout puissant qui faisait fantasmer la journaliste sexy qui travaillait avec lui, Peggy. Ce David Brinkley est certes un ancien héros, mais il s’est aussi empâté, ses pouvoirs ont perdus de leur puissance et il n’est dorénavant qu’un vague fantasme, même pour lui !
Mayer explore donc les codes du super héros, du comics en général, il se moque gentiment de la mythologie autour de Superman avec cette parodie à la fois savoureuse et irrévérencieuse aussi. Il tord les noms, glisse une multitude de références dans tout les sens, amenant tout un tas de personnalités du cinéma, de la télé, du sport ou de la politique à croiser le chemin de David. Ainsi telle femme politique devient chauffeuse de taxi, telle star du ciné un majordome…

Le regard sans concession que pose Mayer sur cette culture nous amène donc à nous interroger, nous aussi, sur la place du héros, sur sa propre rupture avec la réalité et son côté aseptisé ! Mais bien loin de n’être qu’une simple parodie, "Super Normal" est aussi un livre absolument passionnant, avec une vraie intrigue extrêmement pertinente qui préfigure en effet les idées de Moore. Cette façon d’ancrer un personnage fictif dans une réalité souvent très terre à terre, voir même glauque (comme le destin de la pseudo Lana Lang…), annonce la prise de conscience qui déferlera dans les comics dans les années 80 et le regard parfois assez dur qu’a pu porter toute une génération de scénaristes ensuite.

Toutefois, l’écrivain a aussi tendance à grossir certains traits, à tomber quelques fois dans la caricature. Cela ne gène en rien la lecture, mais ces petites pochades peuvent souvent faire oublier le fond du livre qui mérite amplement d’être redécouvert !

La version poche vient de sortir, et je vous conseille vivement de vous y pencher.
Une lecture édifiante et indispensable !

Par FredGri, le 23 janvier 2018