Superman Lost

(Superman Lost 1 à 10)
Alors qu’il pense réussir à éloigner un engin spatial qui menace dangereusement la Terre, Superman se retrouve soudain piégé à des milliers d’années-lumière de sa planète d’adoption, avec des pouvoirs amoindris. Revenir auprès de Lois lui prendrait… des années…

Par fredgri, le 8 avril 2024

Notre avis sur Superman Lost

Tandis que Lois Lane s’occupe d’un article important, le bipper de Clark sonne, il doit rejoindre la Justice League pour aller repêcher un sous-marin chinois quelque part. Le topo habituel, une urgence dont dépend bien évidemment la sécurité de la planète. Allez, hop, un éclair rouge et Lois se retrouve à peaufiner l’intro de son papier en attendant que son cher et tendre revienne. Seulement, voilà, deux ou trois heures plus tard, le kryptonien est en effet de retour, mais il affirme à sa femme qu’il a en fait disparu pendant 20 ans…
Lois découvre alors que son super mari doit se réadapter à sa vie avec elle, sur Terre, voire même avec ses propres pouvoirs, ou simplement le fait de respirer normalement.

En parallèle, le scénariste, Christopher Priest, nous raconte ce périple à travers l’espace, la découverte d’une nouvelle planète ou Clark va se réfugier et passer de très nombreuses années, se construisant une nouvelle vie, dans l’espoir qu’un jour il pourra revenir chez lui. Cependant, il reste un super-héros à l’américaine, c’est-à-dire interventionniste presque à l’excès, ce qui l’amène à s’ingérer dans les affaires locales et donc progressivement être considéré comme un gêneur qui ne tient pas compte des populations, de leurs décisions et de leur réalité.

Le concept de base n’est pas forcément si nouveau, ils sont quelques-uns à avoir amené l’idée d’un transfert temporel ou tel ou tel héros serait transporté « autre part », afin de passer une longue période à se construire une autre vie, pour finalement revenir à son point de départ, comme s’il ne s’était passé que quelques heures. Comme par exemple, l’excellent Action Comics 761 (De Joe Kelly et German Garcia) ou Superman et Wonder Woman se retrouvent piégés pendant des décennies au Valhalla, à se battre encore et encore, avant d’être sauvés par Thor, ou encore The adventure of Cyclop and Phoenix (Scott Lobdel et Gene Ha) qui met en scène les deux X-Men envoyés dans le futur afin d’y élever, des années durant, leur fils Nathan qui deviendra ensuite Cable… Malgré tout, il est surtout question de se servir de cette pirouette scénaristique pour exacerber des éléments comme le sens du devoir, de la famille, les liens avec des amis etc. L’idée est de ne pas perturber la sacro-sainte « continuité ».

Pour Superman Lost, Priest pousse néanmoins le concept plus loin, en montrant à la fois l’expérience du temps qui passe pour Superman, loin des siens, mais déchiré par son sens du devoir, de l’héroïsme à tout prix, et son retour qui le déstabilise, car ces 20 ans l’ont coupé de pas mal de choses qui lui étaient pourtant quotidiennes sur Terre, avec Lois, au boulot.
Cette profondeur, cette émotion, qui se glissent dans les dialogues, dans les cadrages et surtout les silences, sont le véritable atout de cet album bouleversant. Le scénariste adopte une écriture vraiment fine, tout en s’intéressant à la figure super-héroïque de Superman, ses composantes thématiques et la relation entre l’homme, le héros et sa mémoire.
Et même s’il fait figure de vétéran dans le paysage comics, Christopher Priest est aussi un scénariste plutôt avisé, qui a régulièrement fait preuve à la fois d’audace et de pertinence (relisez son incroyable run sur Black Panther, pour vous en convaincre). Toutefois, il s’est fait moins remarquer depuis pas mal de temps, revenant deçi delà dans le catalogue DC/Marvel, sans trop faire d’éclat. Superman Lost démontre qu’il n’a pourtant rien perdu de son talent et qu’il peut même se mesurer à des scénaristes d’aujourd’hui, sans soucis.
Malgré tout, la dernière partie, plus concentrée sur les « explications », est des plus nébuleuses. Quand bien même le concept est intéressant et potentiellement riche, il n’était pas forcément nécessaire de tout vouloir recadrer. Je ne me lancerais volontairement pas dans des précisions, pour ne pas trop en révéler justement sur la conclusion, je préfère laisser le plaisir de lecture intact pour tous ceux qui se lanceront dans l’album.

Je souligne aussi la très belle prestation graphique de Carlo Pagulayan (qui participe à l’intrigue aussi). Ses planches sont très impressionnantes, l’artiste est très à l’aise dans les plans très démonstratifs comme dans les moments plus intimistes. Clairement l’une des grandes qualités de cette mini-série.

Superman Lost est donc une très belle surprise qui permet de se rendre compte que malgré tout ce que l’on peut dire, le héros kryptonien a encore beaucoup de potentiel.

Par FredGri, le 8 avril 2024

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